En phénomènologie psychiatrique, il s’agit de saisir dans une vue globale non pas un symptôme mais un phénomène dans son expérience propre, celle de la subjectivité. L’analyse existentielle consiste en une attitude de compréhension de ce qu’est réellement un monde. Partant de l’idée que le délire est une possibilité d’existence qui réside à l’intérieur de l’homme, l’approche phénoménologique du délire n’a pas pour visée d’expliquer pourquoi le sujet délire mais plutôt comment le sujet délire. Cette approche invite à s’intéresser à des points spécifiques du délire. Binswanger décrit l’existence schizophrénique au travers de trois formes manquées de la présence qui sont des modalités d’existence singulières qui préfigurent au délire. Elles sont des tentatives malheureuses pour rétablir une continuité de l’expérience naturelle mais qui entraînent une stagnation de la présence et empêchent une existence authentique. L idéal présomptueux est une présence humaine bloquée dans laquelle le sujet subordonne toute son existence à un projet trop ambitieux. Au décours d un événement psycho traumatique que le sujet ne peut intégrer dans sa biographie, le thème de la présomption se détache, s’autonomise et le délire éclate. S’intéresser aux contenus délirants permet de déchiffrer les conditions de possibilités du délire. Cette conception est un appel à reprendre l’histoire du sujet. Binswanger introduit le concept d’histoire intérieure de la vie. Elle est un mouvement continu où le sujet accueille des événements qui transforment son monde et le transforme lui-même. Le patient psychotique est au prise avec un événement indépassable, ce qui le rend incapable de rester ouvert à d’autres événements. La biographie s’immobilise. L’existence humaine est un continuel rapport au monde où le sujet et le monde de transforment sans cesse. Le monde est ce à l’intérieur de quoi toute expérience est possible. Chez les patients psychotiques, Binswanger décrit un changement dans le rapport soi / monde. L’idéal présomptueux restreint les possibilités d’être du sujet et l’existence va se limiter à un projet de monde unique. Après l’éclosion du délire, le soi est livré à la toute-puissance du monde. La présence s’identifie complètement au monde, c’est la chosification de la présence. Au total, ce point de vue défend la nécessité de reprendre inlassablement la biographie du sujet, de reconstituer son monde et de le re-contextualiser dans son horizon et sa situation.