Les dix années du CFP ont vu l’émergence dans la recherche scientifique internationale d’approches novatrices caractérisées par un dépassement des limites des approches centrées sur l’individu monadique atteint d’une maladie isolable pour aller vers une prise en considération efficace de la complexité systémique du fonctionnement de la personne en situation. Cette évolution apparaît comme une tendance lourde qui devrait entraîner à terme d’importantes modifications dans la pratique psychiatrique [1], comme le montrera l’examen du fondement paradigmatique commun de cinq approches issues de champs différents : le modèle contextuel des psychothérapies [2], le programme RDOC [3], les modèles de clusters de propriétés causalement reliées [4], les approches du « real world functionning » développées dans le champ du handicap psychique [5]. Ces évolutions conceptuelles ne sont plus seulement fondées sur des grandes entités diagnostiques mais sur des pluralités de dysfonctionnements locaux ou des stabilisations problématiques dans des graphes d’interactions de « symptômes », dont le focus ne se limite plus à l’unique pôle « personne » mais s’étend à son fonctionnement en environnement réel. Elles permettent d’imaginer de nouvelles modalités d’action plus fines, plus contextualisées, plus écologiques.

Ces nouvelles possibilités seront aussi portées par les technologies connectées [6,7,8] qui permettent des micro-interventions plus ciblées, évolutives, et contextualisées que ne le permettaient les précédentes approches appliquant des « macro-interventions » à des « macro-pathologies ». Le patient rencontré en colloque singulier tend aujourd’hui à évoluer vers un agent en situation dont l’action est perturbée par des inadéquations entre ses fonctionnements et ceux de sa situation, caractérisables en temps réel par de multiples paramètres en interactions mutuelles, sur lesquels de multiples personnes utilisant de multiples dispositifs techniques pourront intervenir en temps réel et en milieu écologique.