Le terme de « Food addiction », ou addiction à l’alimentation (AA), a été introduit en 1956 par Randolph. Il repose sur l’idée que certains aliments pourraient avoir un potentiel addictif et que la suralimentation pourrait constituer une forme de comportement addictif. Pour diagnostiquer une AA, il est donc tentant d’appliquer des critères déjà existants concernant les troubles addictifs. En effet, de nombreux travaux ont trouvé des similitudes entre addiction à une substance psychoactive et consommation excessive d’aliments. C’est ainsi que les critères de la dépendance à une substance selon le DSM-IV ont été adaptés pour être appliqués à un comportement alimentaire qualifié de « addictive-like », aboutissant à la validation d’un nouvel outil d’évaluation en 2009, la Yale Food Addiction Scale (YFAS). La YFAS permet d’identifier les sujets qui manifestent des caractéristiques d’addiction vis-à-vis de certains types d’aliments (en particulier ceux très sucrés et très gras). A ce jour, cette échelle a surtout été utilisée dans des populations de sujets en surpoids ou obèses, hyperphages ou non, ou de sujets souffrant de boulimie nerveuse. Le point commun entre ces sujets est la suralimentation. A notre connaissance, les travaux portant sur les liens entre anorexie mentale, trouble où prédomine la restriction alimentaire, et AA sont rares. Pourtant, l’anorexie mentale est un trouble du comportement considéré comme le pendant de la boulimie nerveuse. Nous avons donc mené une étude dans un échantillon de 127 patients débutant des soins pour un trouble du comportement alimentaire, qu’il s’agisse d’une anorexie mentale (type restrictif ou purgatif), une boulimie nerveuse ou une hyperphagie boulimique. L’objectif principal était de mesurer la prévalence de l’AA. Nous souhaitions aussi étudier les liens entre la présence de l’AA et les caractéristiques cliniques et psychopathologiques des patients. Nos résultats indiquent entre autres que la prévalence de l’AA est fréquente, concernant 82 % des sujets, avec un gradient allant de 64 % (anorexie mentale de type restrictif) à 94 % (boulimie nerveuse).