Vers une validation du phénotype de la catatonie périodique : une approche combinée IRMf et rTMS personnalisée - 29/05/20

Doi : 10.1016/S2590-2415(19)30224-7 
J.-R. Foucher 1, 2 , C. de Billy 1, 2, O. Mainberger 1, 2, A. Obrecht 1, 2, 4, B. Schorr 3, 4, J. Clauss 4, F. Berna 3, 4
1. ICube – CNRS UMR 7357, Neurophysiology, FMTS, University of Strasbourg, France. 
2. CEMNIS – Noninvasive Neuromodulation Center, University Hospital Strasbourg, France. 
3. Physiopathologie et Psychopathologie Cognitive de la Schizophrénie – INSERM 1114, FMTS, University of Strasbourg, France. 
4. Pôle de Psychiatrie, Santé Mentale et Addictologie, University Hospital Strasbourg, France. 

Résumé

La catatonie périodique, telle que définie par l’école de Wernicke-Kleist-Leonhard [1], ne correspond pas à une forme récurrente de catatonie définie par la CIM ou le DSM. Elle ne correspond pas plus à la catatonie périodique de Gjessing avec laquelle l’homonymie prête systématiquement à confusion dans la littérature. En effet, il ne s’agit pas d’un tableau clinique, mais d’un « phénotype », c’est-à-dire d’un diagnostic vie entière, homogène au sein d’une même famille. La catatonie périodique est d’évolution rémittente-progressive dans 98 % des cas. Elle se présente sous la forme d’épisodes psychotiques de type hyper- ou hypo-kinétiques (bipolarité observée dans 85 % des cas), entrecoupés de périodes de rémissions complètes au début puis dans lesquelles des symptômes résiduels deviennent de plus en plus marqués. Ces derniers affectent principalement le domaine de la psychomotricité et aboutissent à un niveau modéré de handicap fonctionnel (GAF 60 ± 20).

Loin d’être rare, ce phénotype correspond à 10 % des patients hospitalisés pour psychose endogène et se retrouve ventilé dans plusieurs catégories diagnostiques de la CIM ou du DSM en fonction des épisodes : trouble dépressif, bipolaire, schizo-affectif ou schizophrénique pour la majorité. Sa prévalence est estimée à 0.2 à 0.3 % en Europe. Le sexe-ratio est équilibré (F/H = 1) à l’inverse d’autres formes de catatonies pour lesquelles il existe une forte sur-représentation masculine (catatonies systématisées F/H = 0.3, p = 0.005). De plus, à l’opposé des catatonies systématisées, la catatonie périodique n’est associée ni à un effet de saisonnalité des naissances ni à un excès d’infection des voies aériennes supérieures au 2nd trimestre de la grossesse (36 vs 8 % des cas, p = 0.008). En revanche, elle est fortement héritable avec 23.5 % des apparentés du premier degré affectés par une forme homotypique, un chiffre qui monte à 41 % si on inclus les formes frustres, c’est-à-dire celles qui ne se sont pas manifestées par un trouble psychotique mais par une simple atteinte de la psychomotricité. Cela contraste avec les catatonies systématisées pour lesquelles seuls 4 % des apparentés souffrent d’un trouble psychotique (p = 0.001). L’héritabilité montre aussi un effet d’anticipation marqué puisqu’il n’est pas rare que l’enfant développe la pathologie avant le parent.

L’ensemble de ces données font de la catatonie périodique un phénotype pertinent pour la recherche d’une cause biologique. Si les recherches génétiques ont identifié deux loci en 15q15 et 22q13, aucune étude d’imagerie n’avait été entreprise jusqu’alors. Aussi nous avons comparé une population de patients présentant une catatonie périodique à des témoins et à un autre phénotype, la cataphasie qui affecte principalement le domaine de la pensée et du langage. Dans cette étude, nous avons pu mettre en évidence une augmentation du débit sanguin dans les régions centrales et prémotrices gauche [2]. Cette anomalie différenciait la catatonie périodique non seulement des témoins mais aussi des patients souffrant de cataphasie montrant sa spécificité par rapport à cette autre psychose. De plus comme les deux populations étaient traitées par des doses identiques d’antipsychotiques, il ne s’agit sans doute pas d’un simple effet de la thérapeutique.

Sur une petite population de 8 patients souffrant de catatonie périodique nous avons utilisé une technique d’imagerie capable de mettre en évidence les anomalies fonctionnelles patient par patient. L’anomalie précédemment décrite était observée chez tous les patients souffrant de catatonie périodique et aucun des patients souffrant de dépression (n = 22) ou de catatonie systématisée (n = 3). L’hyperactivité unilatérale gauche du cortex central et prémoteur pourrait donc bien être un biomarqueur de la pathologie. Mais nous avons voulu nous assurer qu’il ne s’agissait pas d’une simple corrélation et que cette anomalie jouait bien un rôle dans l’expression de la symptomatologie clinique. Pour cela, nous avons inhibé ces cortex par rTMS personnalisée. Sept des huit patients ont présentés une amélioration minime à très importante à la CGI alors que la stimulation excitatrice du cortex dorsolatéral préfrontal gauche a entrainé une amélioration minime chez deux patients et une détérioration chez un autre. La stimulation des régions pariétales qui servaient de contrôle a entrainé une aggravation importante chez un patient. Il y a donc des arguments pour faire de l’hyperactivité des régions centrales gauche une anomalie en rapport directe avec la physiopathologie de la catatonie périodique.

L’ensemble de ces résultats, s’ils venaient à être confirmés, valideraient le phénotype de catatonie périodique et le ferait ainsi passer au statut de maladie.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Catatonie périodique, IRM fonctionnelle, rTMS, Schizophrénie, Trouble bipolaire, Dépression



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