L’empathie compassionnelle renvoie à une visée existentielle singulière de la compréhension d’autrui. Dans la perspective de la relation soignant-malade, elle implique les deux dans un jeu spéculaire, truqué par rapport aux conventions d’usage, déconcertant pour chacun. Le malade présentant une démence d’Alzheimer désarçonne parfois son entourage par la pertinence de ses propos ou de ses comportements, bouleversant les habitudes et la vision du monde de ce dernier. L’empathie éveille une communauté de présence réciproque à chacun. La communauté de prescription entre le médecin et le malade est centrée pour le premier sur l’idée d’un non-concernement pour lui-même des problématiques démentielles. Elle se transforme alors en une communauté de destin implicative et réciproque sur le plan existentiel, dans un processus d’humanisation réciproque. À partir d’observations cliniques et d’une réflexion psychiatrique ainsi que phénoménologique, nous proposons un schéma explicatif de l’altération de la pensée chez le patient dément. Nous pensons qu’une pensée de secours peut se mettre en place grâce à l’empathie, permettant au malade de donner du sens à son univers interpersonnel et d’inviter les soignants à y souscrire. La pensée de secours donne accès à un espace psychique où le malade réassied son identité, partage une relation interpersonnelle, déploie son élan vital et retrouve du bien-être. Une nouvelle capacité de choix émerge chez les interlocuteurs de la relation empathique. Elle s’appuie sur la biomnèse, le vécu du passé présentifié, détachée de la biographie et des séquences chronologiques et ouverte sur une anticipation de l’avenir. De nouvelles modalités thérapeutiques en découlent.

Compassionate empathy is related to the singular existential aim of understanding others. From the perspective of the caregiver-patient relationship, it involves both in a specular interaction, at odds with conventional usage, and disconcerting for everyone. Patients with Alzheimer's dementia sometimes startle those around them by the relevance of their words or of their behavior, upsetting caregivers’ habits and worldview. Empathy awakens a community of mutual presence for everyone. The prescribing community between the doctor and the patient is centered for the doctor on the idea of not being concerned for himself by dementia issues. This then converts into a community of destiny, implicative and reciprocal on the existential level, in a process of reciprocal humanization. Based on clinical observations and psychiatric as well as phenomenological reflection, we propose an explanatory system for the alterations of thought in the demented patient. We think that an alternative thought mode can be established on the basis of empathy, allowing the patient to give meaning to his interpersonal universe and to invite the caregivers to subscribe to it. This alternative thought mode gives access to a psychic space where the patient re-establishes his identity, shares interpersonal relationships, deploys his vital energy and regains well-being. New scope for choice emerges among the protagonists in the empathetic relationship. It is based on biomnesis, the experience of a presentified past, detached from biographical and chronological sequences and open to anticipation of the future. New therapeutic methods result from this.