AddictoVigilance sur le mode de consommation par vapotage de substances psychoactives illicites - 20/11/20
Résumé |
Objectifs |
Vapoter consiste à inhaler un aérosol créé en chauffant un liquide contenant ou non des substances psychoactives (SPA) à l’aide d’un dispositif tel qu’une E-cigarette (CE). Son intérêt réside dans la température de production des vapeurs de SPA, qui est inférieure au point de combustion auquel les composés toxiques, issus de la pyrolyse, sont produits. Les données épidémiologiques montrent un recul inédit des ventes de tabac et Santé publique France indique qu’au moins 700 000 fumeurs ont décroché grâce à la CE. Cependant, l’augmentation rapide de l’utilisation de ces dispositifs a suscité des inquiétudes en matière de santé publique, à l’origine d’un renforcement réglementaire. Considérée comme un « produit du tabac », la publicité sur la CE est interdite de même que sa vente aux mineurs. Depuis 2013, un usage de ces dispositifs de vapotage dans le but d’administrer des SPA autres que la nicotine (« Buddha blues ») a fait l’objet d’un signalement pas le réseau d’AddictoVigilance. Cet article a pour objectif de faire un point sur la situation en France.
Méthode |
Une revue de la littérature et une analyse pharmaco-épidémiologique des notifications de la base nationale d’AddictoVigilance ont été réalisées.
Résultats |
Au total 256 cas (215 hommes ; sex-ratio de 6 et âge médian de 17 ans) de complications neuropsychiatriques (71 %) sont retrouvées en lien avec le vapotage de SPA. La proportion des mineurs est inquiétante (51 %). Les produits déclarés être consommés sont des cannabinoïdes (75 % des cas) naturels (N=121) ou de synthèse (CS) (N=71). D’autres substances sont citées (N=3): poppers, ecstasy ou opiacés pilés. Les modes d’obtention sont le don ou partage (46 %), Internet (36 %) ou le deal (16 %). Le partage de CE est à l’origine de prises de SPA à leur insu. Les données d’AddictoVigilance soulignent le manque d’analyses toxicologiques : Seuls 16 E-liquides ont pu être analysés (6,25 %). Dans 87,5 % des cas, les E-liquides analysés contenaient des CS. Une concordance entre étiquetage et contenu est retrouvée pour moins de la moitié des flacons (41 %). De même, seuls 30 % des patients ont eu des analyses toxicologiques dont 70 % sont négatives (dépistage rapide par des méthodes immunologiques). Cela pose la question de la présence de CS ou autres NPS qui ne sont pas détectés par ces techniques. La littérature montre que toutes les SPA non dégradées par la chaleur, médicamenteuse ou non, peuvent être vapotées. La voie inhalée est la voie d’administration la plus rapide pour induire la saturation des récepteurs cérébraux, plus rapide que la voie intraveineuse et participe à l’addictogénicité du produit. Le vapotage peut obtenir dans certaines conditions (température de chauffe et habitude du dispositif) des caractéristiques pharmacocinétiques identiques à la combustion (pour nicotine et THC).
Conclusion |
Les SPA inhalées habituellement (nicotine et cannabis) peuvent être vapotées en invoquant une logique de réduction des risques mais les autres SPA (CS, cocaïne, amphétamines…) sont probablement plus à risque dans un mode de consommation par vapotage que par d’autres voies. Il est essentiel de mieux comprendre les usages des systèmes électroniques de vaporisation (notamment chez les adolescents) pour consommer des SPA autres que la nicotine afin de mieux appréhender les complications possibles tout en évaluant par ailleurs l’utilisation de ces dispositifs comme outil de réduction des risques. Des recommandations de dépistages plus spécifiques devraient permettre de mieux évaluer ces usages. L’AddictoVigilance doit continuer sa veille, la CE pouvant rapidement devenir le nouveau mode d’administration de toutes les SPA avec des risques d’addictogénicité et de toxicité élevés inhérents à cette voie.
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Vol 32 - N° 4S
P. S18-S19 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.