Production endogène d’éthanol chez le sujet vivant : le syndrome d’auto-brasserie - 20/11/20
Résumé |
Objectifs |
Le syndrome d’auto-fermentation ou d’auto-brasserie est un phénomène rare et controversé. Il correspond à la production endogène d’éthanol lors de la fermentation des glucides par les levures du tractus gastrointestinal, pouvant atteindre jusqu’à plus de 4g/L [1 ]. Un état d’ébriété et des symptômes de l’alcoolisme chronique apparaissent alors chez des patients niant toute consommation d’alcool, qui présentent un régime alimentaire riche en glucides associé généralement à des comorbidités intestinales. L’objectif de ce travail est d’améliorer les connaissances sur ce syndrome en étudiant les cas rapportés à ce jour dans la littérature.
Méthode |
Une recherche bibliographique sur les bases PubMed et Google Scholar a été effectuée jusqu’à février 2020.
Résultats |
Le premier cas d’auto-fermentation a été rapporté en 1948 chez un enfant africain de 5 ans [2 ]. Depuis, plusieurs cas ont été recensés dans le monde, mais aucun cas n’a encore été décrit en France. Plusieurs facteurs semblent influencer le développement de ce syndrome. Le mode de vie de 28 patients a été étudié par Cordell [3 ]. La consommation excessive de glucides semble associée à la production éthanolique. Une antibiothérapie répétée à l’origine d’une perturbation du microbiote intestinal favorise la prolifération d’agents responsables de la fermentation alcoolique. Les germes de la famille Candida ou Saccharomyces sont retrouvés chez tous les patients décrits. De plus, Mezey et al. [4 ] ont mis en évidence la production endogène d’éthanol chez un tiers des patients ayant subi une chirurgie abdominale (n=20). Enfin, une pathologie métabolique, gastro-intestinale ou hépatique est aussi souvent associée au syndrome d’auto-brasserie. Une alcoolémie à 2,34g/L a notamment été retrouvée chez un homme de 71 ans atteint de la maladie de Crohn sans consommation d’alcool [5 ]. Le cas d’une jeune fille de 13 ans atteinte d’un syndrome du grêle court, présentant une alcoolémie à 3,5g/L après l’ingestion de sodas, a été décrit en 2001 [6 ]. Un syndrome d’auto-fermentation uniquement urinaire a été décrit chez deux patientes diabétiques mal équilibrées, ayant une éthanolurie élevée sans éthanolémie positive, associée à une glycosurie et à la présence de germes Candida [7 ]. Le diagnostic repose sur la recherche d’antécédents personnels et familiaux, des analyses biologiques, un interrogatoire détaillé, une endoscopie et un test de provocation aux glucides après absorption de 200g de glucose et mesure de l’éthanolémie à différents temps. L’arrêt de l’antibiothérapie, l’administration d’antifongiques et un régime strict pauvre en sucres permettent généralement de retrouver et de maintenir une éthanolémie négative. D’un point de vue médico-judiciaire, les patients peuvent être contrôlés positif à l’éthylotest lors d’un contrôle routier, sans avoir consommé d’alcool. Les conséquences judiciaires peuvent être graves, de l’amende à l’arrestation voire l’incarcération. De plus, face au scepticisme des professionnels de santé, les patients, établis alcooliques, peuvent être orientés à tort vers un suivi psychiatrique et/ou cure de désintoxication.
Conclusion |
Ce syndrome rare apparaît préférentiellement chez des patients présentant une pathologie sous-jacente avec perturbation du microbiote intestinal. Les cas décrits dans la littérature mettent en évidence, le plus souvent, un état d’ébriété à l’origine de grandes difficultés pour les patients. En raison de ses implications sociales et judiciaires, le syndrome d’auto-fermentation devrait pouvoir être envisagé chez tout patient présentant de manière régulière une concentration d’éthanol élevée qui nie avec insistance avoir ingéré de l’alcool, même s’il s’agit d’un phénomène très rare et toujours controversé.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Plan
Vol 32 - N° 4S
P. S18 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.