Même sur cheveux décolorés ou prélevés tardivement, l’analyse toxicologique capillaire peut être utile ! - 20/11/20
Résumé |
Objectif |
Tenter une analyse capillaire est la seule option possible lorsque des faits d’administration malveillante de substances psychoactives sont révélés plus d’une année après des faits. Le challenge est double lorsqu’une victime potentielle a subi une décoloration. Nous présentons un cas concernant une fratrie et discutons des précautions qui s’imposent concernant les résultats obtenus.
Méthode |
Suite à la révélation tardive d’enfants à leur père, d’une suspicion de leur propre sédation par leur mère, plus d’un an auparavant ; nous avons été réquisitionnés pour le prélèvement et l’analyse de cheveux de 2 jeunes sœurs de 8 et 13 ans. La chevelure de la plus grande avait subi une décoloration complète, 6 mois avant le prélèvement. Le traitement chronique de la mère pouvait comprendre de l’alprazolam et de la paroxétine selon les informations communiquées par l’OPJ. Des mèches de cheveux de 25,5 et 30,5cm ont été prélevées en vertex postérieur 13 mois après les faits supposés et coupées en segments de 2cm après décontamination par 2 bains de dichlorométhane de 3minutes. Après découpage et homogénéisation, 30mg d’échantillon sont incubés dans du méthanol pendant une nuit. Après évaporation, l’extrait sec est repris par 200μL de phase mobile et analysé par chromatographie liquide sur colonne Kinetex® (2,6μm XB-C18 100Å .50×2,1mm, Phenomenex) couplée à un spectromètre de masse tandem (API5500QTrap®, Sciex). La quantification est réalisée en mode d’ionisation positif, deux transitions sont enregistrées pour l’alprazolam (m/z : 309,2>281,3 et 205,2) et l’hydroxy-alprazolam (m/z : 325,2>297,2 et 216,2) et une transition pour le standard interne, diazépam-d5 (m/z : 290,0>198,3). La calibration en CL-SM/SM est linéaire de 0,1 à 50pg/mg (LOQ=0,5pg/mg, LOD=0,1pg/mg).
Résultats |
Des screening ciblés portant sur la recherche de principes actifs sédatifs et antidépresseurs ont mis en évidence la présence d’alprazolam dans les segments distaux des cheveux des deux enfants. Les quantités d’alprazolam dosées sont faibles, de l’ordre de 0,60pg/mg dans les segments entre 16,5 et 25,5cm par rapport à la racine pour la plus jeune et elles varient de 0,71 à 1,97pg/mg dans les segments entre 18,5cm et 30,5cm pour la seconde dont les cheveux apparaissent décolorés à partir de 5,5cm de la racine jusqu’aux pointes. Aucune trace d’alprazolam n’a été détectée dans les 12,5 premiers centimètres de chaque mèche. L’hydroxy-alprazolam n’a été détecté dans aucun segment. L’analyse des bains de décontamination s’est révélée négative en alprazolam et hydroxy-alprazolam.
Conclusion |
La présence d’alprazolam a été mise en évidence dans les segments distaux des cheveux des deux jeunes sœurs, tandis que les segments proximaux et les témoins blancs étaient parfaitement négatifs. Les concentrations sont à un niveau très faible comparable à celles décrites dans la littérature pour des prises uniques (0,4 à 5pg/mg [1 ]). Les quantités mesurées et la fenêtre de positivité sont différentes d’une sœur à l’autre. Ces variations peuvent être dues à de nombreux facteurs : des doses administrées différentes aux 2 enfants, des périodes d’exposition différentes, une vitesse de pousse des cheveux variable ou encore un taux de fixation différent selon la nature de la chevelure. Enfin ces différents phénomènes peuvent être accentués par le délai tardif du prélèvement. Ces analyses ont permis de confirmer les déclarations des enfants. Finalement, malgré notre réticence initiale, même après plus d’une année et une décoloration des cheveux, l’analyse capillaire de toxiques doit toujours être tentée.
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Vol 32 - N° 4S
P. S48-S49 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.