La soumission chimique des enfants victimes de filicides-suicides : à propos de 15 cas - 20/11/20
Résumé |
Objectif |
Les assassinats d’enfants, ou « infanticides » ne sont pas si rares dans les pays dits développés. Lorsqu’il existe un lien parental entre le meurtrier et l’enfant victime, ce crime est appelé « filicide ». Ainsi, en France, en 2016, 67 enfants sont décédés suite à l’acte criminel d’un de leur parent, beau-parent ou encore grand-parent. Fréquemment, le parent criminel administre des substances psychoactives à ses enfants dans les heures précédant le passage à l’acte hétéro-agressif, ce que L’ANSM définit comme étant de la soumission chimique, à savoir « l’administration à des fins criminelles ou délictuelles d’une substance psychoactive à l’insu de la victime ». L’objectif est de présenter une série de 28 cas de filicides-suicides pour lesquels des analyses toxicologiques ont été réalisées.
Méthode |
Le recueil de cas d’enfants victimes d’un passage à l’acte filicide a été effectué parmi les autopsies réalisées dans les instituts médico-légaux de GRENOBLE, LYON et NANCY, entre 2006 et 2018. Les analyses toxicologiques post-mortem ont été effectuées sur des échantillons principalement de sang central, sang périphérique, urine, bile, humeur vitrée et contenu gastrique. Les investigations étaient basées sur les recommandations décrites dans l’expertise toxicologique de référence. Elles ont systématiquement comporté des screening à l’aide de méthodes immunochimiques et chromatographiques (liquide ou gazeuse) couplées à des détecteurs de masse et des dosages de confirmation de toutes les substances identifiées.
Résultats |
Un total de 28 cas ont été retenus, 22 de GRENOBLE, 3 de LYON et 3 de NANCY, avec 1 à 8 cas par an sur la période de 12 années de recueil. L’âge moyen des enfants victimes est de 8 ans et 1 mois, avec un sexe ratio de 13 garçons et 15 filles. Sept enfants sont victimes d’un filicide maternel et 21 enfants sont victimes d’un filicide paternel. Sur les 28 enfants victimes de filicides-suicides, 14 d’entre eux ont des analyses toxicologiques révélant des substances médicamenteuses administrées dans les heures précédant leur décès. Les 14 autres avaient des analyses toxicologiques négatives. Pour 12 d’entre eux, il s’agit de psychotropes faisant évoquer une soumission chimique. Les molécules retrouvées sont des benzodiazépines (bromazepam, prazepam, alprazolam), des antihistaminiques (hydroxyzine, doxylamine), des hypnotiques (zopiclone, zolpidem) et des antidépresseurs (mirtazapine, amoxapine). Deux autres enfants ont des traces résiduelles de caféine et de lidocaïne, dans le sang et dans le contenu gastrique. Pour 5 enfants, l’empoisonnement par benzodiazépines (bromazépam) est le mécanisme létal principal, avec des concentrations sanguines comprises entre 1128μg/L et 1197μg/L. Il s’agit de deux cas de filicides maternels. Enfin, nous soulignons la grande facilité d’accès à ces molécules par le parent criminel, au moyen d’une prescription médicale nominative retrouvée dans 10 cas. Dans les deux autres cas, la mère s’était procuré les substances directement sur son lieu de travail.
Conclusion |
Dans deux cas de filicides maternels, regroupant 5 enfants victimes, les concentrations de benzodiazépines étaient létales. Pour les 23 autres enfants victimes, l’administration des substances avait probablement pour but de modifier leur vigilance. Les molécules utilisées par le parent criminel ne sont majoritairement pas prescrites chez l’enfant. Leur procuration, fréquemment auprès des médecins traitants des parents-filicides, pourrait faire l’objet d’une prévention, grâce à la sensibilisation des professionnels de première ligne sur le détournement possible de ces psychotropes à des fins criminelles par un parent présentant des facteurs de risques de commettre un filicide.
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Vol 32 - N° 4S
P. S50 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.