L’émergence des théories queer et des mouvements LGBT, tout en dialoguant avec la psychanalyse en raison de ses promesses d’explorer l’intime du sexuel, remet à l’ordre du jour le procès de l’obsolescence de la psychanalyse et de ses collusions avec la norme hétérosexuelle, patriarcale et colonialiste. La psychanalyse est, à nouveau, mise face à une de ses défaillances : son refoulement des pluralités sexuelles et de genre qui va de pair avec leur pathologisation. Inconnues, voire méprisées des psychanalystes, les études queer représentent néanmoins une réalité heuristique incontournable pour la recherche en psychanalyse.

Ce travail souhaite questionner d’abord la validité théorique de la bisexualité (constitutive) psychique en l’articulant aux perspectives queer. Il souhaite également défendre la thèse d’une queersexualité psychique à partir du postulat d’un psychisme essentiellement queer.

L’auteur présente une série de points de vue théoriques « traditionnels » et contemporains relatifs au concept de (bi)sexualité psychique et décrit les particularités de la perspective queer en sciences humaines et sociales. Il questionne, en outre, les refoulements théoriques psychanalytiques tels qu’ils apparaissent dans les études critiques.

La bisexualité psychique demeure, dans la plupart des travaux psychanalytiques, un élément structurant des identifications et de la genèse psychique de l’individu. Selon les approches critiques, elle n’est utile que pour réaffirmer la répartition des rôles masculins et féminins conformément à la loi dictée par le patriarcat colonialiste, tout en produisant de l’exclusion et de la pathologisation. Les études queer fournissent une déconstruction de la norme dominante en privilégiant non seulement la pluralité des identités, des genres, des sexes et des sexualités, mais également l’approche intersectionnelle ; cette dernière autorise une extension de ce domaine d’étude à des aspects relatifs aux races, aux classes, à la globalisation, au terrorisme, etc. Elles questionnent, de ce fait, la nécessaire articulation de la psychanalyse avec le politique, conçu comme indissociable de la construction psychique de tout individu. La queersexualité psychique semble confirmée par l’intersection de modèles psychanalytiques et théories queer.

Sans perdre son identité et ses objectifs cliniques et afin d’éviter des regards cliniques aux effets mortifères que dénoncent les activistes queer, la psychanalyse contemporaine a le devoir d’articuler ses théories aux études queer, le modèle le plus pertinent et le plus complet, selon l’auteur, pour une psychanalyse en accord avec son temps. La queersexualité psychique pourrait représenter le point de départ pour une telle articulation.

The emergence of queer theories and LGBT movements, while dialoguing with psychoanalysis because of its promises to explore the intimate of the sexual, puts back on the agenda the obsolescence of psychoanalysis and its collusion with the heterosexual, patriarchal and colonialist norms. Psychoanalysis is once again confronted with one of its failures: its repression of sexual and gender pluralities, which goes hand in hand with their pathologization. Unknown or even despised by psychoanalysts, queer studies nevertheless represent an inescapable heuristic reality for research in psychoanalysis.

This work wishes first to question the theoretical validity of psychic (constitutive) bisexuality by articulating it with queer perspectives. It also wishes to defend the thesis of a psychic queersexuality starting from the postulate of an essentially queer psyche.

The author presents a series of “traditional” and contemporary theoretical perspectives on the concept of psychic (bi)sexuality and describes the particularities of the queer perspective in the humanities and social sciences. In addition, it questions the psychoanalytical theoretical reflections as they appear in critical studies.

In most psychoanalytical work, psychic bisexuality remains a structuring element in the identifications and psychological genesis of the individual. According to critical approaches, it is only useful in reaffirming the distribution of male and female roles according to the social law dictated by the colonialist patriarchy, while at the same time producing exclusion and pathologization. Queer studies provide a deconstruction of the dominant norm by privileging not only the plurality of identities, genders, sexes and sexualities, but also the intersectional approach; the latter allows for an extension of this field of study to aspects of race, class, globalization, terrorism, etc. Queer studies thus question the necessary articulation of psychoanalysis with the political, conceived as inseparable from the psychic construction of each individual. Psychic queersexuality seems to be confirmed by the intersection of psychoanalytical models and queer theories.

Without losing its identity and its clinical objectives and in order to avoid clinical views with deadly effects that queer activists denounce, contemporary psychoanalysis has the duty to articulate its theories to queer studies. According to the author, this is the most relevant and complete model for a psychoanalysis in accordance with its time. Psychic queersexuality could represent the starting point for such an articulation.