Intoxication au paracétamol au service d’accueil des urgences : quoi de neuf en 2020 ? - 26/02/21
Résumé |
Introduction |
Le paracétamol est à l’origine de l’une des intoxications les plus fréquentes au service d’accueil des urgences (SAU). Notre objectif est de faire le point sur les mécanismes, les facteurs prédictifs de toxicité ainsi que les nouveautés concernant la prise en charge des intoxications au paracétamol, avec les nouvelles modalités d’administration de la N-acétylcystéine (NAC).
Résultats |
Le paracétamol est responsable d’une hépatite cytolytique et d’une nécrose centrolobulaire dose-dépendante, initiée par la formation de N-acétyl-p-benzoquinone-imine par le cytochrome P450 2E1. Une fois les capacités de neutralisation de ce métabolite réactif par le glutathion dépassées, un stress oxydant est produit à l’origine d’une dysfonction mitochondriale, médiée par l’activation d’une cascade de kinases cytosoliques et suivie par la fragmentation de l’ADN et l’afflux de cellules inflammatoires amplifiant la production de cytokines et d’enzymes cytolytiques. Ces mécanismes sont à l’origine du relargage dans le plasma de marqueurs précoces de toxicité ou « damage-associated molecular patterns (DAMPs) » comme la cytokératine-18, l’HMGB1, les heat shock proteins, des fragments d’ADN nucléaire ou mitochondrial et des micro-ARN (tel le miR-122), dont la valeur prédictive de l’hépatoxicité est meilleure que celle des transaminases (ALAT) utilisées en routine. Des recommandations nationales pour la prise en charge des intoxications par le paracétamol ont été publiées en 2020. Il faut réaliser un dosage du paracétamol en cas de suspicion d’intoxication pour améliorer la prise en charge. Il faut administrer la NAC en cas d’ingestion unique, avec un horaire connu et une admission avant la 24e h post-ingestion, si la paracétamolémie après la 4e h post-ingestion est au-delà de la ligne à 150mg/L à la 4e h sur le nomogramme de Rumack & Matthew. Il est suggéré d’administrer systématiquement la NAC en cas de forte suspicion d’ingestion de paracétamol à doses toxiques, sans interpréter la paracétamolémie sur le nomogramme, en cas de : 1- horaire inconnu ou troubles de conscience, la NAC étant alors poursuivie si paracétamolémie non nulle ou ALAT élevées ; 2- facteurs de risque avérés (hépatopathie chronique, carence nutritionnelle, inducteurs enzymatiques du cytochrome P450), la NAC étant poursuivie si paracétamolémie non nulle ou élévation des ALAT ; 3- admission tardive au-delà de la 24e h post-ingestion avec augmentation des ALAT ; 4- ingestion répétée de paracétamol à dose suprathérapeutique, le traitement complet devant alors être administré et poursuivi si élévation des ALAT. La dose minimale de paracétamol justifiant l’administration de NAC reste néanmoins discutée et varie selon les pays. La ligne à H4 du nomogramme est à 100mg/L en Grande Bretagne et le nomogramme n’est plus utilisé au Danemark où tous les patients exposés sont traités, la mesure de la paracétamolémie ne servant qu’à confirmer l’exposition. Plus la ligne de traitement à H4 est abaissée et plus le nombre de patients traités augmente avec une augmentation du risque d’effets secondaires (troubles digestifs, réactions anaphylactoïdes). Plus la ligne est rehaussée et plus le risque de ne pas traiter des sujets vulnérables à risque d’hépatotoxicité augmente. Le protocole d’administration de la NAC actuellement recommandé en France reste le suivant : 150mg/kg en 1h (dose de charge) suivi de 50mg/kg en 4h puis de 100mg/kg sur 16h par voie veineuse. Pour réduire les effets adverses, il a été proposé de ralentir voire supprimer la dose de charge ou même de raccourcir le schéma (100mg/kg de NAC en 2h suivi de 200mg/kg en 10h, soit 12h de perfusion), avec un bénéfice démontré dans un essai randomisé. Plusieurs expériences supplémentaires avec des protocoles modifiés en « 2 bags » plutôt que le protocole traditionnel en « 3 bags » ont été publiées, suggérant la possibilité que de tels schémas simplifiés soient adoptés avec sécurité et efficacité. Des recommandations internationales sur ce sujet sont prévues en 2021. Le protocole raccourci clairement réduit les effets adverses et semble minorer les périodes d’interruption du traitement, sans entraîner de prise de risque en termes d’hépatotoxicité, de recours à la transplantation hépatique et de décès.
Conclusion |
Les indications et modalités d’administration de la NAC restent un sujet de discussion pour trouver le meilleur équilibre entre efficacité pour traiter ou prévenir l’hépatotoxicité à optimiser et risque d’effets adverses à minimiser. De nouveaux biomarqueurs et indices pronostiques devraient prochainement être accessibles au SAU pour guider le traitement dans les cas difficiles.
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Vol 33 - N° 1
P. 10 - mars 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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