La floraison contemporaine des théories du complot dans l’actualité du lien social est incontestable. Nous souhaitons saisir certains enjeux inconscients du complotisme tout en cherchant à éclairer les raisons de son actualité bruyante dans notre modernité.

Pour cela, nous comparerons les formations complotistes à la structure du récit myhique, mettant ainsi en résonance ces deux modalités de la fiction. En effet, le savoir psychanalytique nous permettra d’éclairer les fonctions psychiques du mythe. C’est plus précisément le mythe totémique de Freud, par sa structure, qui nous donnera le mieux à voir ses fonctions de régulation de la jouissance et d’organisation de l’histoire et du lien social.

Le discours complotiste s’éclairera alors comme l’envers du mythe de Totem et Tabou de Freud. Le texte du mythe de la horde nous donnera en négatif la trame du discours complotiste. En effet, ce mythe nous propose une fiction matricielle symbolique dont l’envers imaginaire détermine la grammaire complotiste et qui a pour socle l’interrogation « à qui profite le crime ? ». Comme dans un jeu de miroirs, les innombrables conspirations apparaîtront comme l’ombre d’un crime qui ne cesse de faire retour sur un mode imaginaire à défaut d’avoir été symbolisé. Le système que cherche à dévoiler le complotisme apparaîtra alors comme l’envers d’un agencement structuré par le mythe.

Nous mettons en discussion le lien entre le discours de la science et l’intensification du complotisme dans la modernité. En effet, Lacan repère le refoulement de la dimension mythique par le discours de science. Un tel refoulement produirait en retour des versions imaginaires du mythe. Ainsi, le complotisme serait moins à considérer comme une antiscience que comme un effet structural de son discours.

Le complotisme se présente, en fin de compte, comme un symptôme social qui s’articule avec le discours de la science. Le complotisme est une forme sociale qui donne une scène à un vécu de préjudice. Il transforme les coordonnées. Il transforme les coordonnées d’une perte, qui n’est plus organisée par un mythe symbolique, en l’imagination d’une jouissance volée.

The current explosion of conspiracy theories is an undeniable dimension of present-day social bonds. We aim to understand some of the unconscious stakes underlying the conspiratorial ideation and to shed light upon the reasons why it is a topical issue in our modern society.

By relying on psychoanalytical knowledge that allows us to study the psychic functions of the myth, we will compare different conspiracy formations to those of the mythical narrative to bring into resonance these two fictional modalities. Freud's totemic myth, through its structure, sheds a particular light on the functions that regulate jouissance and that organize history, as well as social bonds.

The conspiracy discourse will prove to be the underside of the Freudian myth of Totem and Taboo. The text presenting the myth of the primal horde will reveal the structure of the conspiracy discourse as its negative. Indeed, this myth offers a symbolic ur-fiction, and its imaginary counterpart determines the conspiratorial grammar based on the question: “who profits from the crime?” As in a hall of mirrors, the countless conspiracies will appear as the shadow of a crime, always returning in an imaginary mode due to a lack of symbolization. The system that the conspiracy theory seeks to unveil will then be regarded as the reverse of an arrangement structured by the myth.

We discuss the link between scientific discourse and the intensification of conspiracy theories’ presence in our modern society. Indeed, Lacan notices how the mythical dimension is repressed by scientific discourse. Such repression would produce, as a result, imaginary versions of the myth. Thus, the conspiracy theory will be regarded as a structural effect of scientific discourse rather than as anti-science.

The conspiracy theory turns out to be a social symptom linked to scientific discourse. It is the social staging of damage suffered that transforms the coordinates of a symbolic loss, no longer organized by a myth, into an imaginary stolen jouissance.