Purpura thrombotique thrombocytopénique induit par la ciprofloxacine : à propos d’un cas d’évolution fatal - 11/06/21
Résumé |
Introduction |
Le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) est un trouble multisystémique rare caractérisé par des lésions thrombotiques microvasculaires généralisées. Ce diagnostic doit être posé rapidement en raison de son pronostic potentiellement mortel.
Observation |
Il s’agissait d’un patient de 47 ans qui s’était présenté à notre service de dermatologie pour un ulcère de jambe chronique compliqué de dermohypodermite. Il a été traité par amoxicilline-acide clavulanique intraveineuse et enoxaparine sous-cutanée. Devant la persistance d’un œdème de la jambe, une échographie doppler veineuse a été réalisée, ne montrant aucun signe de thrombophlébite. La ciprofloxacine à la dose de 800mg par jour IV a été ajoutée au quatrième jour d’hospitalisation. Deux jours plus tard, un examen cutané objectivait un purpura pétéchial au niveau des membres inférieurs avec apparition soudaine d’une dyspnée, de transpiration et de tachycardie. Une scintigraphie pulmonaire a mis en évidence une embolie pulmonaire distale. Les examens biologiques initialement normaux ont montré une anémie microcytaire (hémoglobine à 8,6g/dL), une thrombocytopénie (plaquettes à 12000/mm3), une cytolyse hépatique et une insuffisance rénale. Un frottis de sanguin a été réalisé, montrant des schistocytes. Le test de Coombs et le reste du bilan immunologique étaient négatifs. Tous ces symptômes nous ont amenés à poser le diagnostic de PTT. Le diagnostic a été confirmé avec une activité ADAMTS13 inférieure à 5 % et un taux élevé d’auto-anticorps anti-ADAMTS13. Trois jours plus tard, le patient a présenté une crise convulsive généralisée avec déficit post-critique. Le patient a été transféré à l’unité de soins intensifs au service d’anesthésie et réanimation médicale. Cinq séances de plasmaphérèse avec corticothérapie (80mg/jour) ont été réalisées avec une amélioration transitoire. Le patient a reçu quatre doses hebdomadaires de rituximab (375mg/m2 par dose). L’évolution a été marquée par un échappement thérapeutique et l’apparition d’une thrombose de multiples vaisseaux, notamment cérébraux. Le patient est décédé d’une défaillance d’organes multiples, cinq jours plus tard.
Discussion |
Le PTT est une forme particulière de microangiopathie thrombotique, caractérisée par la combinaison de cinq manifestations : atteinte du système nerveux central, fièvre, insuffisance rénale, anémie hémolytique et thrombopénie. Une carence en protéine ADAMTS13 conduit à l’accumulation plasmatique de mégamultimères du facteur von Willebrand à l’origine des microthrombi. Ce phénomène se produit généralement à la suite d’une infection, d’une prise médicamenteuse, de néoplasies ou d’une grossesse. Le déficit en ADAMTS13 peut être le résultat de mutations du gène codant pour la protéine, à l’origine d’un PTT héréditaire observé chez les enfants. Chez l’adulte, le déficit en ADAMTS13 est typiquement acquis et dû à la présence d’autoanticorps qui modifient l’activité de la protéine, comme notre patient. Le PTT peut aussi être associé à différentes maladies auto-immunes notamment le lupus érythémateux systémique aigu. De nombreux médicaments habituellement prescrits ont été associés au PTT. La ciprofloxacine semble être une cause émergente de PTT d’origine médicamenteuse, mais contrairement à notre cas, elle conduit rarement à des complications mortelles. Cependant, il n’y a pas de critères précis d’imputabilité pour incriminer les médicaments en tant que cause probable du PTT. Le pronostic du PTT s’est considérablement amélioré depuis l’avènement de la plasmaphérèse associée au plasma frais congelé. La corticothérapie est également administrée en association. L’anticorps monoclonal anti-CD-20 rituximab (375mg/m2/semaine) a aussi montré son efficacité chez les patients atteints de PTT réfractaire ou récidivant. Avec ce protocole, notre patient n’a pas répondu au traitement. La réponse l’échappement thérapeutique ou la rechute serait favorisée par un certain nombre de facteurs, tels que la thrombocytopénie sévère, l’âge supérieur à 60 ans, la présence d’auto anticorps ADAMTS13.
Conclusion |
Notre observation est particulière par la survenue d’un PTT mortel chez un patient atteint de dermohypodermite traité par ciprofloxacine. Cette entité n’est pas à méconnaître des particiens, en particulier si leur patient traité par ciprofloxacine développe des lésions pétéchiales associées à une anémie, une insuffisance rénale ou un une altération de l’état neurologique.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Plan
Vol 42 - N° S1
P. A144-A145 - juin 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.
Déjà abonné à cette revue ?