Quand la chirurgie esthétique se complique - 11/06/21
Résumé |
Introduction |
Les implants en silicone sont très bien tolérés mais peuvent être à l’origine de complications locales comme des granulomes ou à distance par migration ou embolisation de silicone provoquant des lymphadénopathies, pneumopathies, hypercalcémie liée au granulome. Les ruptures de prothèses mammaires sont quant à elles le plus souvent asymptomatiques ou se manifestent par des signes cliniques locaux. L’évolution chronique de ses complications en fait tout le challenge diagnostique et thérapeutique.
Observation |
En mai 2020, Mme B, originaire du Sénégal, 55 ans est hospitalisée pour un bilan de toux productive fébrile associée à une dyspnée au moindre effort n’ayant pas régressé après une semaine d’Amoxicilline à domicile. Son principal antécédent est une pose de prothèses mammaires en 2005. Elle ne prend aucun traitement au long cours. Cliniquement, elle a une SaO2 à 96 % en air ambiant, l’auscultation retrouve un foyer de crépitants secs en base droite et des sibilants expiratoires diffus, pas de signes d’insuffisance cardiaque, le reste de l’examen clinique est sans anomalie, il n’y a pas d’adénopathie palpable. Le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire biologique modérée. La TDM thoracique met en évidence des condensations en bande et nodulaires, de topographie sous-pleurale à prédominance inférieure, compatible mais non caractéristiques d’une Covid-19, avec atteinte étendue. Sur le plan étiologique, 2 PCR COVID réalisées à 1 semaine d’intervalle, un ECBC, 3 BK crachats, une PCR multiplex grippes A et B, le VRS et le Métapneumovirus sont négatifs. La fibroscopie bronchique mal tolérée est non contributive. La sérologie VIH est négative. L’électrophorèse des protides retrouve une hypergammaglobulinémie polyclonale à 23g/l. Un traitement probabiliste par ceftriaxone 1g/j pendant 7jours est réalisé. Alors que la symptomatologie de la patiente ne s’améliore pas, la TDM de contrôle à 1 mois retrouve toujours de multiples condensations intraparenchymateuses. S’y associe un syndrome interstitiel réticulo-micronodulaire à prédominance périlymphatique et des adénomégalies axillaires droites et médiastinohilaires évoquant en premier lieu un tableau de lymphangite. De façon concomittante, la patiente développe une arthrite du genou gauche. La ponction ramène un liquide inflammatoire sans argument pour une atteinte microcristalline. Le bilan immunologique retrouve des anti CCP à 357UI/ml. Une seconde fibroscopie bronchique est réalisée sous anesthésie générale ainsi qu’une biopsie ganglionnaire axillaire droite. Le diagnostic sera porté sur l’examen anatomopathologique du ganglion : granulomatose associant de nombreux histiocytes et parfois des cellules géantes au sein desquels sont visibles des vacuoles optiquement vides en faveur d’une siliconose. Ce diagnostic est confirmé par une échographie mammaire qui confirme une rupture intra-capsulaire de la prothèse mammaire droite. Sur le plan thérapeutique, l’introduction d’une corticothérapie orale (0,5mg/kg/j de prednisone) entraîne une amélioration rapide sur le plan clinique avec la disparition de la dyspnée, de la toux, et des atteintes articulaires. De façon concomittante, amélioration des images scannographiques et régression complète du syndrome inflammatoire biologique. Les prothèses mammaires sont aussi explantées. La corticothérapie est progressivement diminuée.
Discussion |
L’association siliconose et PR est connue, mais il n’y a pas d’étude démontrant de façon significative l’association entre maladie auto-immune et exposition prolongée au silicone. Sur le plan physiopathologique, il semblerait cependant que la bioassimilation de silicone soit associée à une toxicité tissulaire par production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et monoxyde d’azote (NO), de cytokines proinflammatoires. Par ailleurs, la clairance des particules de silice par les macrophages entraîne une activation de l’inflammasome, pérennisant la réaction inflammatoire et favorisant la production d’autoanticorps. À noter également, un déséquilibre des réponses Th1/Treg. Les données de la littérature suggèrent une évolution variable après le retrait des prothèses mammaires, soit vers la guérison dont les chances augmentent avec la précocité du geste, soit vers la chronicisation des symptômes liées à la migration du silicone.
Conclusion |
Le diagnostic de siliconose reste difficile car ses manifestations sont proteiformes. Elle n’en reste pas moins une pathologie très invalidante au pronostic réservé malgré un traitement adapté.
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Vol 42 - N° S1
P. A173 - juin 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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