La maladie de Behçet (MB) est une vascularite fréquente ayant un impact important sur la sexualité des patients. Les connaissances sur les problèmes sexuels dans cette pathologie restent très limitées et la sexualité de ces malades n’est quasiment jamais abordée, ni dans les questionnaires de qualité de vie, ni dans l’entretien du médecin avec son malade. Les objectifs de notre travail sont de déterminer l’existence et l’importance des difficultés sexuelles chez les hommes et les femmes atteints de maladie de Behçet et d’identifier les facteurs qui les influencent.

Nous avons mené une étude transversale, descriptive et analytique colligeant des patients atteints de MB au service de Médecine interne du Centre hospitalo-universitaire Hedi chaker de Sfax, sur une période de 5 mois. Pour l’étude de la sexualité, nous avons utilisé deux types d’échelles standardisées et adaptées à chaque sexe : The 5-item version of the International Index of Erectile Function (IIEF-5) pour les hommes et The Female Sexual Function Index (FSFI) pour les femmes. La satisfaction des relations sexuelles a été appréciée par chaque patient selon une évaluation subjective. L’évaluation de la qualité de vie a été faite par le SF-36 et The Behçet's Disease specific measure of quality of life (BD-QoL).

Durant la période allant de septembre 2019 à février 2020, nous avons inclus 47 patients dont l’âge moyen était de 49,87 ans (24 à 71 ans). Notre population est composée de 34 hommes (72,3 %) et 13 femmes (27,7 %). Au moment de l’entretien, 37 malades (78,7 %) étaient capables de répondre aux questions en relation avec leur vie sexuelle. Vingt-cinq (67,6 %) patients ont noté la présence d’une difficulté sexuelle (DS) chez l’un des partenaires, dont 13 (35,1 %) l’ont jugé comme modérée. Le mode de début était progressif chez 21 malades (56,8 %). Il était brutal et concomitant à la découverte de la maladie chez 4 malades. Le délai d’installation des DS par rapport à la maladie varie donc de 0 à 18 ans avec une moyenne de 6,2±6,9 ans. Cinq (13,5 %) patients ont noté aucune satisfaction, 3 (8,1 %) étaient très insatisfaits, 4 (10,8 %) avaient une satisfaction minime, 16 (43,2 %) avaient une satisfaction modérée et neuf (24,3 %) patients étaient très satisfaits. Quatorze patients ont noté que leur désir sexuel a été affecté par leur maladie. Quatre patients se plaignaient d’une baisse de la libido. Concernant l’orgasme, 8 patients (21,6 %) rapportaient une absence d’orgasme, 5 (13,5 %) patients signalait un orgasme présent mais retardé et 24 (64,9 %) patients avait un orgasme normal. Treize patients se plaignaient de fatigue au moment des rapports sexuels, 7 malades se plaignaient de douleurs et 3 patients signalaient une altération de l’image de soi. Pour les femmes : 4 patientes se plaignaient de dyspareunie, 4 patientes signalaient une sécheresse vaginale. Treize hommes avaient un trouble de l’érection. Cinq patients ressentaient une gêne secondaire aux aphtes et 5 patients avaient des problèmes sexuels dus au Neuro-Behçet. L’étude de la sexualité chez les 21 hommes qui avaient une activité sexuelle durant les 6 derniers mois par l’échelle IIEF 5 trouve un score moyen de 20,21±3,30 (12 à 24). Dix hommes (soit 47,62 %) avaient ainsi une dysfonction érectile (DE) (score IIEF5≤à 21). L’étude de la sexualité chez les 5 femmes durant les 4 dernières semaines par le FSFI montre un score composite moyen à 24,64±7,85 (11,6 et 31,9). Trois patientes parmi les 5 femmes avaient un score global du FSFI<ou égal à 26 témoignant de la présence d’une dysfonction sexuelle. Dans notre étude, aucune relation statistiquement significative n’a été retrouvée entre la dysfonction sexuelle des patients et leurs caractéristiques socio-économiques, les signes cliniques qu’ils ont développés ou le traitement qu’ils étaient en train de suivre. Chez la population féminine, plus la maladie était active ou sévère, plus le FSFI était altéré ainsi que ses domaines du désir, de l’excitation, de l’orgasme, de la satisfaction, et de la douleur. Nous avons noté une corrélation négative statistiquement significative entre le BD-QoL et les domaines du FSFI d’excitation ; de lubrification et de l’orgasme chez les femmes. Aucune corrélation n’a été retrouvée entre l’activité de la maladie ou sa sévérité et le score IIEF5 chez les hommes.

L’impact de la MB sur la sexualité peut être associé aux manifestations physiques qu’aux ressentis psychologiques des malades. Des études complémentaires sont nécessaires afin de mieux comprendre l’origine des troubles sexuels chez les patients suivis pour une maladie de Behçet.