Diagnostiquer un lupus, ce n’est pas une mince affaire ! - 11/06/21
Résumé |
Introduction |
Un amaigrissement massif chez l’adolescente peut fréquemment conduire le médecin à évoquer le diagnostic de trouble du comportement alimentaire (TCA) de type anorexie mentale, et justifie d’une double approche, nutritionnelle et psychologique. Cependant, le bilan étiologique reste primordial dans ces situations et la présence d’atypies doit faire rechercher une cause secondaire, notamment auto-immune.
Observation |
Nous rapportons ici le cas d’une jeune patiente de 16 ans, avec une anorexie évoluant depuis janvier 2018 dans les suites d’un traumatisme psychologique, conduisant à un amaigrissement massif, le poids passant de 38 à 27kg en une année, avec dénutrition sévère (IMC 12kg/m2). Orientée vers le centre régional de référence des TCA en septembre 2019, un tableau clinico-biologique atypique a fait évoquer un amaigrissement de cause somatique. En effet, l’interrogatoire révèle un phénomène de Raynaud et des arthromyalgies inflammatoires évoluant depuis l’âge de 10 ans, avec rétractions tendineuses des doigts, et, plus récemment, un syndrome sec oculo-buccal, des céphalées et des sueurs nocturnes. Durant l’hospitalisation, on observe une fièvre prolongée atteignant jusqu’à 39,6°C, une polyadénopathie, un ptosis intermittent, en présence d’un syndrome inflammatoire chronique (CRP à 27mg/L, anémie microcytaire, non régénérative, haptoglobine élevée). Le scanner TAP ne met pas en évidence de foyer infectieux mais une hépatomégalie de 19cm homogène et des adénopathies juxta-centimétriques sus et sous-diaphragmatiques, hypermétaboliques au TEP-scanner. Les hypothèses infectieuses sont écartées (hémocultures répétées, ETT, sérologies intracellulaires), et la biopsie exérèse d’une adénopathie axillaire est en faveur d’une adénite immuno-réactive non spécifique, sans autre argument pour une hémopathie ou une maladie infectieuse (culture bactériologique, mycobactériologique, PCR tropheryma whipplei, PCR universelles). Une maladie cœliaque ou une maladie inflammatoire intestinale sont éliminées par les endoscopies digestives haute et basse. Le bilan immunologique révèle une forte positivité des anticorps anti-nucléaires (1/2500UI/L), avec anti-ADN à 405UI/L, Anti SSA>1700UI/L, Anti SSB à 29UI/L, Anti Sm à 120UI/L, FR à 188UI/L, sans anti-CCP, ni consommation du complément. L’IRM encéphalique montre un hypersignal des globus pallidus et du splénium du corps calleux ; le PET scanner cérébral montre un hypométabolisme cortical, des lobes temporaux et du gyrus cingulaire ; les anticorps anti NMO, MOG et AqP4 sont négatifs. Par ailleurs, les anticorps anti-récepteur de l’acétylcholinestérase sont fortement positifs, sans anomalie à l’électromyogramme. Le diagnostic de lupus systémique avec syndrome de Sjögren secondaire et myasthénie oculaire frustre est finalement retenu. La corticothérapie (1mg/kg) permet une résolution très rapide des signes articulaires, du syndrome inflammatoire clinique et biologique, et la reprise de 10kg en 2 mois, autorisant le sevrage de la nutrition thérapeutique. L’hydroxychloroquine reste contre-indiquée par la myasthénie oculaire, qui ne justifie pas de traitement spécifique. À 6 mois d’évolution, sous corticothérapie 12,5mg/j, survenue d’une comitialité révélant une atteinte neurologique centrale caractérisée par une hyperprotéinorachie et synthèse intrathécale. La patiente a été traitée par cyclophosphamide puis mycophénolate mofétil.
Discussion |
Les troubles du comportement alimentaire peuvent être une manifestation neurologique centrale spécifique du lupus. Chez notre patiente, l’association à des signes généraux a été responsable d’un amaigrissement massif amélioré par traitement immunosuppresseur.
Conclusion |
Notre observation illustre ainsi la nécessité d’un recueil précis de l’anamnèse et d’un examen clinique minutieux, afin de ne pas conclure hâtivement à un lien entre traumatismes psychiques et anorexie, notamment chez l’adolescente, où le diagnostic de TCA restant un diagnostic d’exclusion.
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Vol 42 - N° S1
P. A95 - juin 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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