Cet article interroge le mode d’entrée en lice du diagnostic d’état-limite, originairement borderline, dans la nosographie de l’époque.

Nous nous appuyons sur la littérature psychanalytique qui de 1938 à nos jours, fait état de l’état-limite, dans une opposition entre pertinence et inconsistance selon que l’on soit pro ou anti-état-limite.

L’état-limite, qu’il s’agisse des patients diagnostiqués comme tels ou du concept, s’est affirmé sur un mode que nous qualifions d’insolent. Ces patients chahutent le cadre de la cure analytique tandis que le concept bouscule la nomenclature théorique en place (psychose, névrose et perversion). Des auteurs font l’hypothèse que les théoriciens de l’état-limite sont animés par le désir (conscient ou inconscient) de renverser la nosographie classique et au-delà, de mettre à bas les fondations sur lesquelles le Père de la psychanalyse, Sigmund Freud, s’est lui-même appuyé. La pugnacité des théoriciens de l’état-limite traduirait un désir de détrôner la figure paternelle.

La discussion porte sur les conséquences de ce passage en force de l’état-limite au point de vue clinique. Quelle peut être l’intention sous-jacente de son inventeur (Adolph Stern) et des théoriciens qui lui font suite dans l’élaboration des principes organisateurs de ce concept.

Le succès du concept d’état-limite est incontestable, en premier lieu parce qu’il est un diagnostic pratique et aisé à poser. Son spectre, devenu extrêmement large nuit largement à son éventuelle pertinence clinique. Toutefois, ce concept a le mérite de relancer la recherche sur une question tombée un temps dans les oubliettes; la question du trauma survenu très précocement dans la vie des sujets.

This article questions the way in which the “borderline” diagnosis made its way into various nosographies of the 20th and 21st centuries.

I examine the psychoanalytical literature from 1938 to the present day that refers to the borderline entity, in an opposition between relevance and inconsistency depending on whether one is pro- or anti-borderline.

The borderline state, whether it is a question of patients diagnosed as such or of the concept, has asserted itself in a way that I describe as insolent. These patients disturb the framework of the analytical treatment while the concept upsets the theoretical nomenclature in place (psychosis, neurosis, and perversion). Some authors hypothesize that the theorists of the borderline state are driven by the desire (conscious or unconscious) to overthrow the classical nosography and, beyond that, to tear down the foundations on which the Father of psychoanalysis, Sigmund Freud, himself relied. The pugnacity of the theorists of the borderline state would thus translate their desire to dethrone the father figure.

The discussion focuses on the consequences of the forceful appearance of the borderline state from a clinical point of view. What might be the underlying intention of its inventor (Adolph Stern) and of the theorists who followed him in the elaboration of its organizing principles?

The success of the concept of the borderline state is indisputable, in large part because it is a practical and easy diagnosis to make. Its spectrum, which has become extremely broad, undermines its possible clinical relevance. However, this concept has the merit of reviving research on a question that had been temporarily fallen out of fashion: the question of trauma that occurred very early in the life of subjects.