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Cas d’intoxication éthylique aiguë chez un nourrisson : considérations médico-légales et clinico-biologiques - 20/09/21

Doi : 10.1016/j.toxac.2021.06.061 
Marie Lenski 1, , Corentin Grenier 1, Morgane Billotte 2, Gaëlle Mazeau 2, Audrey Riquet 2, Alexandr Gish 1, Florian Hakim 1, Nicolas Beauval 1, Benjamin Hennart 1, Delphine Allorge 1, Jean-Michel Gaulier 1
1 Unité Fonctionnelle de Toxicologie, CHU Lille, Lille, France 
2 Service de Neuropédiatrie, CHU Lille, Lille, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Objectifs

Les intoxications pédiatriques peuvent survenir dans un contexte accidentel, parfois en lien avec une négligence, voire un contexte de maltraitance, entraînant d’éventuelles conséquences médico-légales ou médico-sociales. Dans leur prise en charge, les frontières médicales et médico-légales sont proches et le dialogue clinico-biologique indispensable. Nous l’illustrons par un cas d’intoxication éthylique aiguë pédiatrique.

Méthode

Un nourrisson de 10 mois, 9,66kg, de sexe masculin sans antécédents médicaux notables avec un bon développement psychomoteur, présente un sommeil anormalement prolongé d’une durée de 7heures après la prise de son biberon de midi. Vers 19h, devant une somnolence inhabituelle et une hypotonie, sa mère appelle les pompiers et l’enfant est transféré aux urgences pédiatriques. À l’admission, le nourrisson, stable sur le plan hémodynamique, présente un bon état général. Sur le plan neurologique, l’examen est fluctuant avec des épisodes de perte de contact, puis de reprise d’une conscience normale. Le scanner cérébral est normal. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Dans le contexte:

– de troubles neurologiques inexpliqués d’apparition brutale ;

– d’une anamnèse incluant des notions de toxicomanie et de traitement de substitution aux opiacés dans l’environnement familial, un screening toxicologique (échantillons sanguin et urinaire de l’admission) est réalisé dans la nuit : immunoanalyses et criblage par CL-SMHR.

Quelques heures plus tard, ces analyses s’avérant négatives (en particulier pour les substances psychoactives et les traitements de substitution aux opiacés), une recherche ciblée d’exposition à l’éthanol est décidée lors d’un dialogue clinico-biologique téléphonique le lendemain matin : éthylglucuronide urinaire (immunoanalyse) et éthanol sanguin et urinaire (HS-CG-DIF).

Résultats

Les concentrations urinaires sont>10mg/L pour l’éthylglucuronide et à 2,22g/L pour l’éthanol. L’éthanolémie (sérum) est à 1,33g/L. L’interrogatoire familial rapporte un déconditionnement d’une boisson alcoolique (Vodka) dans une bouteille d’eau minérale « qui aurait servi à la reconstitution du biberon (lait en poudre) ». Le volume de lait ingéré n’est pas connu et le délai entre l’ingestion d’éthanol et le prélèvement sanguin est d’environ 11heures. Avec un volume de distribution de 0,6 L/kg et une vitesse d’élimination à 0,15g/L/h (éthanolémie en fin d’absorption estimée à 2,98g/L), la quantité d’éthanol absorbée peut être évaluée par la formule de Widmark à environ 17g d’éthanol pur, soit l’équivalent d’un volume approximatif de 6 cL de Vodka à 35°. Des données concernant des intoxications éthyliques aiguës de nourrissons existent dans la littérature [1]. Ces intoxications qui surviennent généralement, mais pas exclusivement, accidentellement dans des milieux défavorisés, peuvent être potentiellement létales [2]. Dans une telle situation, l’évaluation de l’éthanolémie ad retro permettant d’apprécier la dose ingérée, et donc le volume de boisson alcoolique absorbé, revêt une importance sur le plan médico-légal, notamment en raison de son influence sur l’éventuelle qualification pénale en cas de maltraitance avérée. Toutefois, cette appréciation demeure difficile, d’autant plus que les connaissances concernant les doses potentiellement toxiques/létales sont incertaines [3]. Enfin dans notre cas, les analyses toxicologiques immédiates, reposant pourtant sur des outils analytiques performants, ont été inadaptées, leur orientation ayant été corrompue par le contexte et l’anamnèse. C’est le dialogue entre les cliniciens et les biologistes qui est à l’origine des analyses complémentaires et du diagnostic.

Conclusion

Ce cas particulier d’intoxication éthylique pédiatrique se termine bien : quelques heures après son arrivée, le nourrisson présentait un examen neurologique et clinique normal. Au-delà de nous rappeler les difficultés et particularités des intoxications pédiatriques, ce cas met de nouveau l’accent sur un élément essentiel de notre pratique hospitalière : le dialogue clinico-biologique.

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Vol 33 - N° 3S

P. S47 - septembre 2021 Retour au numéro
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