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Le 2,4-dinitrophénol, un bruleur de graisse interdit mortellement efficace - 20/09/21

Doi : 10.1016/j.toxac.2021.06.068 
Julien Tison 1, , Ramy Azzouz 1, Florent Pepy 2, Patrick Nisse 1
1 Centre antipoison et toxicovigilance, CHU de Lille, Lille, France 
2 Réanimation polyvalente, CH de Lens, Lens, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Objectifs

Les dinitrophénols sont des intermédiaires de synthèse dans la fabrication de colorants, des agents de conservation de la laine, des explosifs et des produits phytopharmaceutiques (insecticides et fongicides pour le bois, herbicides). Parmi les 6 isomères disponibles, le 2,4-dinitrophénol (CAS 58-28-5) est l’isomère prédominant. Dans les années 1930, il a aussi été utilisé comme médicament amaigrissant ; cet usage a été interdit en 1938 aux USA et plus tardivement en France (1980) compte tenu de ses effets secondaires. On le retrouve aujourd’hui disponible à la vente en ligne sur Internet comme produit amaigrissant (« thermogenic therapy ») et comme complément alimentaire pour les culturistes. Nous rapportons le cas d’une ingestion volontaire mortelle.

Méthode

Une jeune femme de 34 ans ingère dans un but suicidaire, 40 comprimés de brûle graisse contenant 60mg de dinitrophénol vers 16H30. Elle consulte à 19h00. Elle est uniquement polypnéïque (30 cpm) et tachycarde (140 bpm), le reste de l’examen est alors normal. La biologie retrouve une hyperglycémie (3g/L), des CPK à 500 UI/L et une alcalose (pH=7,53). Le ionogramme sanguin, le bilan hépatique et la fonction rénale sont normaux. On note la présence d’une hyperleucocytose à 24000/mm3. L’ECG montre un rythme sinusal, sans trouble de la repolarisation, l’échographie transthoracique est normale. L’évolution est marquée à H+18 par la survenue de troubles de la conscience et une hyperthermie maligne à 42°C. Malgré un glaçage abondant et l’administration répétée de dantrolène, la température va rester autour de 41°C et la patiente va présenter un arrêt cardiaque non récupéré. Le décès sera prononcé après 45minutes de réanimation intensive.

Résultats

Le 2,4-dinitrophénol provoque le désaccouplement de la phosphorylation oxydative mitochondriale qui entraîne une augmentation du métabolisme des graisses, une accumulation d’acide pyruvique et d’acide lactique ainsi qu’une inhibition de la formation d’ATP et l’énergie ainsi produite est libérée sous forme de chaleur. Les mécanismes thermorégulateurs physiologiques sont rapidement débordés conduisant à la survenue d’une hyperthermie maligne. Lors d’une ingestion volontaire (suicide) mais aussi dans certains cas d’expositions professionnelles (par voie cutanée), on observe la survenue de sueurs profuses, d’une soif intense, des troubles digestifs non spécifiques, une tachycardie, une polypnée, des troubles de conscience avec collapsus cardiovasculaire et une hyperthermie. Plus rarement, ont été décrits une myocardite, une nécrose tubulaire rénale avec insuffisance rénale, une neuropathie périphérique, une agranulocytose, une cataracte, une toxidermie. Le traitement d’une intoxication aiguë par le 2,4-dinitrophénol repose sur une évacuation digestive précoce ou une décontamination cutanée immédiate et une prise en charge en réanimation. Le contrôle de la fièvre par le refroidissement du corps avec des moyens physiques doit être précoce dès que la température centrale dépasse 38°C et la sédation avec induction en séquence rapide se justifierait dès 39°C. L’utilisation de dantrolène, dont l’efficacité est rapportée dans quelques publications, est malheureusement inconstamment efficace comme dans le cas présenté. Il faut probablement envisager son administration plus précocement dès l’apparition de la fièvre.

Conclusion

Bien que le 2,4-dinitrophénol ne soit pas autorisé à la vente ni comme médicament, ni comme complément alimentaire, il est cependant largement disponible sur les sites Web de vente par correspondance et dans des pharmacies en ligne, qui en font la promotion comme traitement amaigrissant ou « asséchant ». Cet usage est mondialement interdit depuis 2015 (alerte Interpol). Ce cas met en évidence la nécessité de prendre conscience de l’augmentation possible des cas d’intoxication accidentelle du fait de la prévalence croissante de l’obésité et de la facilité d’accès sur Internet à ce « pseudo médicament » sans AMM.

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Plan


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Vol 33 - N° 3S

P. S51 - septembre 2021 Retour au numéro
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  • Intoxication mortelle par un pesticide à base de métaldéhyde
  • Imane Iken, Fouad Chafiq, Naima Rhalem, Rachida Soulaymani-Bencheikh
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  • Étude sur la prise en charge des intoxications aiguës par paracétamol dans les services d’urgences de la région Auvergne Rhône Alpes
  • Cecile Chevallier, Nathalie Jarrier, Anne Marie Patat, Nathalie Paret

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