Développer et valider une méthode rapide de dosage de la ricinine par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en haute résolution (LC-HRMS) pour le suivi des intoxications par la ricine.

Le dosage plasmatique et urinaire de la ricinine été développé en LC-HRMS (Q Exactive Focus™, Thermo Scientific) sur une colonne Luna Omega C18™ (100×2,1mm, 3μm) (Phenomenex) à 50°C avec un gradient d’élution eau/acétonitrile (%, v/v), en mode ESI positif couplé à une détection en mode full scan-SRM (transition : 165,0659>138,0550). Les échantillons biologiques sont préparés en mélangeant 100μL de plasma ou d’urines et 10ng de ricine-D3 utilisée comme étalon interne. L’extraction est réalisée sur micro-SPE Strata-X™ (Phenomenex) sous pression positive (Preston 1000™, Phenomenex) par 50μL d’un mélange eau/méthanol (90/10 %, v/v). Après agitation, 10μL du mélange sont injectés dans le système chromatographique. La méthode a été appliquée au suivi d’une intoxication chez une patiente de 47 ans ayant ingéré entre 30 et 40 graines de ricin, conjointement à de la cyamémazine et de l’alcool. À son arrivée dans le service de Réanimation, 8heures après l’ingestion de graines, la patiente est consciente sans particularité clinique ni biologique. L’évolution, marquée par un épisode de convulsions, des diarrhées, et un syndrome extrapyramidal, est favorable et la patiente sort après une semaine d’hospitalisation.

Dans nos conditions chromatographiques, la ricine est éluée en 1,30minutes, avec un temps d’analyse total de 4minutes. Pour les deux matrices biologiques, la méthode est linéaire entre 0,25 et 500ng/mL avec une limite de quantification à 0,25ng/mL. Les coefficients de variation calculés sur les 3 contrôles de qualité (0,75, 20 et 400ng/mL) sont inférieurs à 8 % et 12 % pour la répétabilité et la fidélité intermédiaire, respectivement. Aucun effet matrice, et aucun « carryover » n’ont été détectés. Chez notre patiente, le bilan toxicologique d’admission permet de dépister du THC-COOH dans les urines, du paracétamol (21mg/L) et de la cyamémazine (0,75mg/L) dans le plasma. Le suivi de la ricinine a été réalisé sur 18 échantillons (12 plasmas et 6 urines) recueillis sur 5jours. Les concentrations plasmatiques de ricinine étaient comprises entre 193 (H+8h) et 44ng/mL (H+134h) avec une demi-vie estimée à 70heures. Les concentrations urinaires étaient comprises entre 535ng/mL (207ng/mmol de créatinine) à H+8heures et 367ng/mL (204,5ng/mmol de créatinine) à H+100.

La ricine, puissante toxine naturelle, est retrouvée dans les graines de Ricinus communis, toujours associée à la ricinine, un alcaloïde pipéridinique. La signature d’un empoisonnement par la ricine est basée sur la détection et le dosage de la ricinine, même si le dosage ne reflète pas la gravité de l’intoxication. Chez notre patiente, la concentration plasmatique en ricinine est une des plus élevées de celles décrites dans la littérature, comparable à celle rapportée récemment après ingestion de 50 graines [1Lefever, et al. J Anal Toxicol 2020 ;

Cliquez ici pour aller à la section Références]. Nous rapportons une demi-vie plasmatique alors que peu de données sur la pharmacocinétique de la ricinine sont décrites. Les dosages réalisés pour cette patiente, ainsi que pour 4 autres patients ayant ingéré des graines de ricin, montrent qu’il n’y a pas de relation entre les concentrations plasmatiques, le nombre de graines supposées ingérées, les signes cliniques et l’évolution de l’intoxication. En conclusion, nous avons développé une méthode spécifique et sensible permettant un dosage de la ricinine en moins de 30minutes, applicable en urgence 24/24 au suivi des patients intoxiqués volontairement ou non, mais également permettant de surveiller une population dans des situations d’attentats chimiques.