Épidémiologie, présentation clinique, évolution et facteurs pronostics de survie des patients présentant une éosinophilie en réanimation : étude de cohorte nationale multicentrique rétrospective, à propos de 620 patients - 24/11/21
Résumé |
Introduction |
Bien que la toxicité des polynucléaires éosinophiles soit susceptible d’induire des défaillances d’organe aiguës et/ou de mettre en jeu le pronostic vital de certains patients, il n’existe à ce jour que peu d’études portant sur l’éosinophilie (Eo) chez les patients de réanimation. L’objectif de cette étude était de décrire les caractéristiques épidémiologiques des situations associées à une Eo en réanimation (que l’Eo soit présente dès l’admission en réanimation ou qu’elle survienne secondairement), d’évaluer le pronostic de ces patients, et de rechercher des facteurs prédictifs de mortalité dans cette situation.
Patients et méthodes |
Cohorte rétrospective, nationale, multicentrique (14 centres), constituée de patients adultes (≥18 ans) ayant présenté, du 01/01/2013 au 31/12/2018, une Eo≥1000/mm3 sur deux prélèvements (non forcément consécutifs) réalisés depuis la veille de l’admission jusqu’à la fin du séjour en réanimation. L’analyse statistique principale de l’étude portait sur la survie (modèle de Cox) à j60 d’admission en réanimation.
Résultats |
Au total, 620 patients ont été inclus (soit environ 1,2 % de l’ensemble des séjours sur la période et les centres participants) : 248 (40 %) avec une Eo précoce (survenant dans les 24 premières heures suivant l’admission, groupe Eo1) et 348 (56 %) avec une Eo retardée (>24h après l’admission, groupe Eo2), 24 patients n’ayant pas de délai d’apparition de l’Eo rapporté. Dans le groupe Eo1, l’Eo était majoritairement non idiopathique (avec une forte incidence de pathologies onco-hématologiques : 26 %, Eo2=4 %, p<0,001), le plus souvent symptomatique (58 %, Eo2=25 %, p<0,001), notamment au niveau respiratoire (31 %, Eo2=5 %, p<0,001), et entraînait plus fréquemment la mise en route d’un traitement spécifique (43 %, Eo2=14 %, p<0,001) notamment la corticothérapie (16 %, Eo2=4,9 %, p<0,001). Les patients du groupe Eo2 étaient quant à eux majoritairement ventilés (85 %, Eo1=44 %, p<0,001) et, en médiane, hospitalisés 5 fois plus longtemps que les patients du groupe Eo1 (28 [12 ; 49], Eo1=5,5 [3 ; 12] jours, p<0,001). De plus, l’Eo était le plus souvent idiopathique ou rattachée à une hypersensibilité médicamenteuse (85 %, Eo1=47 %, p<0,001), et l’atteinte viscérale cutanée était au premier plan (72 % des atteintes viscérales de Eo2, Eo1=32 %). Néanmoins, chez 14 % (45 patients) des patients du groupe Eo2, une étiologie « inattendue » (notamment parasitaire ou onco-hématologique) était mise en évidence, et ce d’autant plus que le patient présentait un antécédent de maladie associé aux éosinophiles (OR : 6,45, IC95 % [1,48 ; 27,66], p=0,011), qu’il était admis pour une détresse respiratoire aiguë (OR : 5,35, IC95 % [2,55 ; 12,10], p<0,001), qu’il recevait des corticoïdes dans les trois premiers jours de la réanimation (OR : 4,67, IC95 % [1,63 ; 12,92], p=0,003) et que l’Eo maximale du séjour était>2000/mm3 (OR : 2,48, IC95 % [1,18 ; 5,16], p=0,015). Pour l’ensemble de la cohorte, on retrouvait une relation entre le taux d’Eo maximum et l’étiologie sous-jacente : plus l’Eo augmentait, plus la fréquence des DRESS, des causes onco-hématologiques et des causes parasitaires augmentait (inversement pour les Eo d’origine médicamenteuse, hors toxidermie ; ainsi que pour les Eo idiopathiques). Pour le groupe Eo1, les facteurs de risque de mortalité à j60 mis en évidence en analyse multivariée étaient l’âge>65 ans (HR : 1,82, IC95 % [1,04 ; 3,19], p=0,035), le score SOFA>8 (HR : 2,14, IC95 % [1,10 ; 4,14], p=0,024), la prise actuelle d’immunosuppresseurs (HR : 2,24, IC95 % [1,140 ; 4,40], p=0,019), l’admission pour choc (HR : 2,88, IC95 % [1,07 ; 7,79], p=0,037) et enfin l’origine onco-hématologique de l’Eo (HR : 4,35 [2,44 ; 7,75], p<0,001). Concernant le groupe Eo2, seul le recours à la ventilation invasive au cours du séjour était associé au pronostic (HR : 5,54 [1,32 ; 23,348], p=0,019).
Conclusion |
Les Eo en réanimation semblent définir 2 populations distinctes selon leur délai d’apparition. Chez les patients présentant une Eo d’emblée lors de leur admission en réanimation, l’Eo est fréquemment symptomatique (notamment au niveau respiratoire), et d’origine variée (une étiologie onco-hématologique grevant alors particulièrement le pronostic). A contrario, les Eo d’apparition retardée sont principalement asymptomatiques (ou associées à une atteinte cutanée prédominante), et d’origine quasiment exclusivement idiopathiques ou médicamenteuses (hormis dans un nombre restreint de situations bien définies : antécédent de maladie associée aux Eo, admission pour détresse respiratoire aiguë, Eo maximale du séjour>2000/mm3, corticothérapie dans les 72 premières heures du séjour en réanimation).
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Vol 42 - N° S2
P. A292-A293 - décembre 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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