Étude BOB-ACG: intérêt du bolus de prednisolone dans la prévention de la bilatéralisation de l’atteinte ophtalmologique au cours de l’artérite à cellules géantes - 24/11/21
Résumé |
Introduction |
L’artérite à cellules géantes (ACG) se complique dans 10 à 20 % des cas d’une ischémie visuelle permanente (IVP), le plus souvent par neuropathie ischémique optique antérieure aiguë. Ces formes représentent une urgence thérapeutique, compte tenu de la profondeur habituelle du déficit visuel installé et d’un risque élevé d’atteinte controlatérale, souvent asynchrone. Les recommandations actuelles, basées sur de faibles niveaux de preuves, préconisent l’utilisation, en cas d’IVP unilatérale, de bolus intraveineux de méthylprednisolone (MP) à la posologie de 500 à 1000mg/jour pendant 3jours, suivis d’une corticothérapie orale (CO) à 1mg/kg/jour, visant essentiellement à préserver la vision de l’œil controlatéral. Notre étude a pour but de vérifier si cette stratégie diminue significativement le risque d’IVP précoce du 2e œil, par rapport à la mise directe sous CO à 1mg/kg/jour.
Patients et méthodes |
Étude observationnelle rétrospective multicentrique menée sur les 15 dernières années dans 13 centres hospitaliers français. Les critères d’inclusion comportaient:
– ACG confirmée par les critères ACR;
– IVP strictement unilatérale, confirmée par l’équipe locale d’ophtalmologie;
– corticothérapie orale à la dose d’au moins 0,9mg/kg/jour à l’induction;
– pour le groupe bolus de MP, dose totale comprise entre 900 et 5000mg;
– suivi rapproché et connaissance du statut visuel à 1 mois de l’initiation du traitement, ou plus tôt en cas d’évènement.
Les deux groupes ont été comparés, à l’initiation du traitement, sur de nombreux paramètres cliniques démographiques ou liées à l’ACG (ophtalmologiques et extra-ophtalmologiques), la positivité de l’artère temporale, le délai (enjours) de prise en charge par rapport à la survenue de l’IVP, les principaux facteurs de risque cardiovasculaires et le score de CHADS-VASc, l’utilisation d’antiagrégants plaquettaires (AAP) ou d’anticoagulants (AC), la prise de statines, le mécanisme de l’atteinte visuelle, le degré de perte visuelle (échelle logarithmique). La différence de fréquence de survenue d’une IVP controlatérale dans le mois suivant la mise en route du traitement entre les 2 groupes (MP et CO) a fait appel au test du Chi2. Les deux populations de patients (avec et sans IVP secondaire) ont été comparées sur divers paramètres ayant pu influencer le risque visuel ischémique sous traitement. La comparaison a été optimisée par méthode des scores de propension (SP).
Résultats |
Sur 132 patients inclus, 99 étaient dans le groupe MP et 33 dans le groupe CO. Les deux populations étaient globalement équilibrées, avec cependant une fréquence plus élevée de claudication ischémique des mâchoires, de patients jeunes et une élévation plus importante des paramètres inflammatoires biologiques dans le groupe MP. 17 ont eu, en cours d’induction thérapeutique, une IVP controlatérale dont 1 dans le groupe CO et 16 dans le groupe MP (3 vs 16,2 %; p=0,069). La comparaison des patients avec/sans IVP secondaire n’a pas montré de différence significative en termes de type de corticothérapie initiale (MP vs CO), dose et durée de bolus de MP, dose initiale de CO, délai entre le premier évènement visuel et l’initiation du traitement, usage d’AAP ou d’AC, taux moyen de VS, CRP, hémoglobine et plaquettes au diagnostic. Avec la pondération par SP, le risque d’IVP controlatérale est significativement associé au traitement par MP (OR: 15,84; IC [4,31-115,26]; p<0,001). Les complications sévères attribuables à la corticothérapie le premier mois sont significativement plus fréquentes dans le groupe MP (34,2 vs 12,9; p=0,03).
Conclusion |
Nos résultats ne sont pas en faveur de l’utilisation systématique de bolus de MP dans l’ACG compliquée d’IVP unilatérale. Cependant, l’étude est rétrospective, avec de possibles biais d’inclusion non identifiés, les patients mis sous bolus de MP pouvant être plus à risque d’une deuxième amaurose en début de traitement. De plus, l’effectif total relativement faible, le déséquilibre des populations (bolus de MP proposés 3 fois plus souvent que la CO directe), l’hétérogénéité thérapeutique et le faible nombre d’évènements secondaires limitent la portée des résultats présentés. Une étude prospective randomisée multicentrique comparant les bolus de MP à la CO à 1mg/kg/jour, en prévention d’une cécité controlatérale, est souhaitable.
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Vol 42 - N° S2
P. A336 - décembre 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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