Complication tardive des produits de comblement faciaux mimant un angio-œdème réfractaire - 24/11/21
Résumé |
Introduction |
Les injections faciales de produits de comblement (fillers) sont des techniques non chirurgicales de rajeunissement cutané dont l’utilisation est croissante en France.
Nous rapportons le cas d’une complication œdémateuse faciale tardive mimant un angio-œdème réfractaire aux traitements usuels.
Observation |
Une infirmière de 39 ans était adressée par les urgences pour un œdème palpébral aigu.
On notait dans ses antécédents un œdème de Quincke à l’âge de 18 ans (allergène non connu), un trouble anxieux généralisé depuis 10 ans, une contraception par dispositif intra-utérin en cuivre et un tabagisme actif à 10 PA. La patiente rapportait ne prendre aucun médicament, même en automédication.
L’œdème facial était apparu au réveil sans facteur déclenchant évident. Il avait été traité initialement par le médecin généraliste par des antihistaminiques, une corticothérapie à 1mg/kg et une antibiothérapie par cefpodoxime.
Après 3 jours de stagnation clinique, elle est adressée aux urgences à deux reprises. Lors du premier passage, la corticothérapie était suspendue et l’acide tranexamique administré sans succès. Au second, passage il est réintroduit des antihistaminiques à dose élevée. Devant l’absence d’évolution, elle est hospitalisée en médecine interne.
Dans le service, le tableau clinique était celui d’un volumineux œdème palpébral bilatéral limitant l’ouverture des yeux. Celui-ci était non prurigineux, blanc, très ferme et infiltré. Le reste de l’examen clinique était sans particularité.
La biologie retrouvait une éosinophilie isolée à 700 éléments/mm3. Le taux de tryptase, C4 et C1-inhibiteur (antigène et inhibiteur fonctionnel) étaient normaux. Le bilan auto-immun et les sérologies infectieuses n’étaient pas plus contributifs. Le scanner du thorax et du massif facial retrouvaient un infiltrat des parties molles périorbitaire et malaire d’étiologie indéterminée.
Parallèlement, la patiente avait été traitée dès l’entrée comme un éventuel angio-œdème bradykinique par 30mg d’icatibant puis 20UI/kg de concentré de C1-inhibiteur mais sans effet spectaculaire sur la clinique.
Finalement, un nouvel interrogatoire rapportait des injections périorbitaires et temporales de produits de comblement par acide hyaluronique 4 mois auparavant à visée esthétique. L’échographie cutanée de l’œdème retrouvait finalement du matériel hypoéchogène enkysté en sous-cutané et en intramusculaire, disposé en gouttes en grande quantité, très évocateur de la présence d’acide hyaluronique.
La patiente a été informée de l’évolution longue mais souvent spontanément favorable des complications des produits de comblement. Celle-ci a malheureusement immédiatement rompu son suivi avec l’hôpital.
Discussion |
Les produits de comblement sont des dispositifs médicaux volumateurs et biodégradables, utilisés pour combler les rides, les dépressions profondes ou restaurer les volumes après une fonte graisseuse. L’acide hyaluronique (AH) est principalement utilisé pour sa vitesse de dégradation rapide (6–12 mois) et sa capacité à être dissoute par la hyaluronidase en cas de complications [1 ].
Les complications des injections de produit de comblement sont classées selon leur délai d’apparition [2 ] : immédiates (<24h après le début de l’injection), précoces (de 24h à 1 mois) et tardives (>1 mois).
Parmi les complications œdémateuses tardives, il est décrit des angio-œdèmes histaminiques jusque 6 semaines après l’injection, des réactions granulomateuses à corps étranger (parfois plus d’un an après) et des œdème tardifs non médiés par les anticorps.
L’œdème tardif non médié par les anticorps (non-antibody-mediated delay ededema) correspondrait à une réaction d’hypersensibilité retardée vue de nombreuses semaines ou mois après l’injection et pouvant persister pendant des mois. La réaction inflammatoire semble se produire au contact du résidu de l’AH ou du résidu d’un adjuvant nouvellement exposé après une lente dégradation physiologique par les hyaluronidases.
Les traitements antiallergiques ne sont pas efficaces et la meilleure approche semble de retirer l’allergène [3 ] (par injection de hyaluronidase ou l’excision chirurgicale).
Conclusion |
Ces complications tardives et réfractaires des produits de comblement doivent être connues de l’interniste devant leur utilisation de plus en plus croissante en France.
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Vol 42 - N° S2
P. A392-A393 - décembre 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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