Le nombre de patients très âgés dans nos unités de gériatrie aiguë ne cesse d’augmenter, alors que notre système de soins de santé connaît des difficultés. Pourtant, nous connaissons peu cette catégorie de patients. Nous avons besoin de données à leur sujet, afin d’améliorer leur prise en soin et d’anticiper l’impact que cela générera sur notre société.

Notre étude a pour but de décrire les caractéristiques cliniques des patients nonagénaires hospitalisés en gériatrie en Belgique francophone tant sur les plans fonctionnel, nutritionnel, social et cognitif qu’au sujet de leur traitement ou de leurs antécédents/comorbidités. En les comparant à un échantillon de patients octogénaires, nous espérons dégager des différences significatives concernant les caractéristiques cliniques, la morbidité, l’intensité de la prise en charge et, finalement, la mortalité.

Étude prospective observationnelle multicentrique (province du Hainaut). Les éléments recueillis concernaient les données sociodémographiques, le nombre d’examens réalisés aux soins d’urgences, les antécédents, le motif d’admission dans l’unité, la survie durant l’hospitalisation et à 6 mois après hospitalisation et enfin les données biologiques. Les deux groupes (nonagénaires vs octogénaires) ont été comparés statistiquement.

Nous avons inclus 52 patients nonagénaires (âge moyen de 92,2±2,1 ans) et 43 patients octogénaires (âge moyen de 85,1±2,1 ans) hospitalisés en unités de gériatrie aiguë. Les nonagénaires sont moins dépendants pour les activités instrumentales de la vie quotidienne (p=0,027) que les octogénaires alors que les ADL sont similaires dans les deux groupes. Sur le plan social, les nonagénaires ont tendance à être plus souvent veufs (p=0,08) et sans leur famille (p=0,001). Ils ont tendance à résider plus en maison de retraite (p=0,091). Le nombre de médicaments est similaire dans les deux groupes, mais les nonagénaires prennent moins d’antidépresseurs (p=0,029) et de neuroleptiques (p=0,039). Les octogénaires souffrent plus de diabète de type 2 (p=0,028) et de pathologies cardiovasculaires (p=0,029). En régression logistique, les facteurs de risque significatifs de décès chez les nonagénaires sont le sexe, le poids, l’existence d’un suivi médical antérieur et le projet thérapeutique limitatif. Enfin, le taux de survie à 6 mois est plus faible chez les nonagénaires (p=0,009).

Dans la population étudiée, les nonagénaires présentent quelques caractéristiques spécifiques par rapport aux octogénaires comme une prévalence moindre de diabète, une meilleure autonomie instrumentale alors que leur lieu de vie a tendance à être plus institutionnel avec une famille souvent peu présente. À nombre de médicaments égal, ils consomment moins d’antidépresseurs ou de neuroleptiques. Alors que leur pronostic à 6 mois est logiquement moins bon que le groupe plus jeune, les nonagénaires ne meurent pas plus durant l’hospitalisation et il est dès lors cohérent d’adopter une attitude médicale visant à ne pas diminuer trop vite l’intensité des soins, pour autant que le projet ait été discuté avec le malade.

The number of very elderly patients in our acute geriatric units continues to increase, while our health-care system is struggling. However, we know little about this category of patients. We need data about them in order to improve their care and anticipate the impact this will generate on our society.

Our study set out to highlight the clinical characteristics of nonagenarians in the French-speaking community of Belgium from the point of view of physical, nutritional, social and cognitive aspects and their medical treatment, medical history and comorbidities. By comparing them to a sample of octogenarians, we hoped to identify significant differences concerning clinical characteristics, comorbidities, intensity of care and mortality.

Prospective observational multi-centre study (Hainaut Province). Collection of socio-demographic data, number of medical examinations in Emergency Care, medical history, reason for admission to the department, survival during the stay in hospital and six months thereafter, and biological data. The two groups were compared statistically.

We included 52 nonagenarians (average age: 92.2 y) and 43 octogenarians (average age: 85.1 y) admitted to an acute geriatric unit. The nonagenarians were less dependent for instrumental activities of daily living than the eighty-year-old patients (P=0.027) whereas the activities of daily living scores were similar in the two groups. The number of medications was similar in the two groups, but people aged 90 were taking fewer antidepressants (P=0.029) and neuroleptics (P=0.039). Patients aged 80 more often had Type 2 diabetes (P=0.028) and cardiovascular pathologies (P=0.029). In logistic regression, the significant risk factors for death among the nonagenarians were gender, weight, the existence of previous medical follow-up and the existence of a therapeutic limitation plan. Finally, the 6-month survival rates were lower for the 90-year-old patients (P=0.009).

In the study population, the nonagenarians presented certain specific characteristics compared to the octogenarians, such as lesser incidence of diabetes, a better instrumental autonomy, while their living environment was more often institutional with little contact with the family. For a given number of medications, the nonagenarians were less likely to be taking antidepressants and neuroleptics. Although their 6-month prognosis was logically poorer than in the younger group, the nonagenarians did not more often die during the stay in hospital. It is therefore relevant to adopt a medical approach avoiding early reduction in the intensity of care, provided the care project is discussed with the patient.