Alors même que l’évaluation précise de l’efficacité des psychothérapies a jusqu’ici achoppé, l’État vient tout juste de s’engager à reconnaître ces soins par l’entremise de leur financement. Conjointement, eu égard au développement des connaissances épidémiologiques en santé mentale et des conceptions neurobiologiques les plus récentes, une nouvelle modélisation des psychothérapies se dessine. Ici, les modélisations et les évolutions de la pragmatique apparaissent autant cardinales et ardues que peu connues des psychologues et des psychiatres.

Avec un souci didactique, nous reprenons les définitions et l’essence même de la pragmatique en synthétisant ses origines, ses applications et ses utilités contemporaines.

La pragmatique est science du langage en acte : elle offre de modéliser les fonctions de construction de la signification par les « actants » et « actés » des comportements langagiers et des discours, en tentant de répondre à la question « À quoi sert le langage ? ». Communiquer, certes, mais communiquer quoi ? Trois dimensions : les descriptions du monde, les expressions de l’état psychologique du locuteur et les actions. Ces trois fonctions dites « référentielles », « modales » et « illocutoires » constituent le socle opérationnel de la discipline. En psychopathologie, les apports de la pragmatique s’appliquent tout aussi bien à la mise en évidence de déficits de compétence qui concerne la compréhension, qu’à la modélisation des situations de communication. Enfin, la modélisation des situations cliniques est requise pour étudier les processus thérapeutiques. Le principe actif de tout dispositif de soin par la parole consiste à communiquer au patient de nouvelles interprétations susceptibles de rendre compte de son état. Or, interpréter des actes et des pensées revient soit à associer des actes nouveaux à des propriétés intentionnelles exprimées par le patient soit à attribuer de nouvelles propriétés intentionnelles aux actes.

On pourrait penser que l’action du clinicien relève d’un principe d’influence externe exercée sur le patient qui l’amènerait à dire ce qu’il souhaite lui faire dire. Or, le but de la procédure énonciative thérapeutique est de rendre le patient sensible à une partie de lui-même qu’il doit conquérir pour échapper à ses tourments. C’est pour autant que le patient reconnaîtra cette parole prononcée par le thérapeute comme étant en dernière instance la sienne (ou l’expression de son propre dire), qu’il pourra surmonter les représentations de lui-même et de son environnement social qui freinent sa guérison. Une telle communication est animée par des objectifs de dissociation et de concordance. La dissociation consiste à se dégager du domaine abordé spontanément par le patient, domaine de la plainte et du problème pour orienter la communication sur des domaines annexes, moins sensibles et moins contrôlés. La concordance représente l’accord des ressentis et interprétations des deux protagonistes du dialogue dans les dispositifs de soin par la parole.

Qu’est-ce qu’un dire vrai ? Un dire vrai est porté par une parole qui met en mouvement le rapport de soi à soi pour constituer une conscience accrue de soi. Nous ne sommes pas ce que nous sommes, car nous ne sommes pas une chose en soi. Cette dichotomie de la conscience qui commande sa propriété d’être réflexive est au cœur du principe de guérison qui sous-tend les actions de soins psychologiques.

Even though the precise evaluation of the effectiveness of different types of psychotherapy has proved difficult, the French state has only just committed to recognizing these types of treatment through its funding. Together, with regard to the development of epidemiological knowledge in mental health and the most recent neurobiological conceptions, a new modeling of psychotherapies is taking shape. Here, the models and the evolutions of pragmatics appear both fundamental and difficult, as few psychologists and psychiatrists are familiar with them.

In this interest of didactic clarity, we take up the definitions and the very essence of pragmatics by synthesizing its origins, its applications, and its contemporary uses.

Pragmatics is the science of language in action: it aims to model the functions of construction of meaning by the “actants” and “acted” of linguistic behaviors and discourses, by attempting to answer the question: “What is language for?” For communicating, of course, but communicating what? Three dimensions: descriptions of the world, expressions of the speaker's psychological state, and actions. These three functions – respectively referred to as “referential,” “modal,” and “illocutionary” – constitute the operational base of the discipline. In psychopathology, the contributions of pragmatics can be applied to the highlighting of deficits concerning comprehension, as well as to the modeling of communication situations. Finally, the modeling of clinical situations is required to study therapeutic processes. The active principle of any talk therapy consists in the therapist communicating new interpretations to the patient that can account for her/his condition. However, interpreting acts and thoughts amounts either to associating new acts with intentional properties expressed by the patient or to attributing new intentional properties to acts.

One might think that the clinician's action stems from a principle of external influence exerted on the patient, which would lead the latter to say what the former expects them to say. However, the goal of the therapeutic enunciative procedure is to make patients aware of parts of themselves that they must conquer in order to escape their torments. It is in so far as patients will recognize the word pronounced by the therapist as being ultimately their own (or the expression of their own words), that they will be able to overcome the representations of themselves and of their social environment that hinder recovery. Such communication is driven by objectives of dissociation and concordance. Dissociation consists of freeing oneself from the domain spontaneously expressed by the patient, the domain of complaint and of problem, in order to direct the communication towards additional, less sensitive and less controlled domains. In talk therapy, concordance represents a matching of the feelings and interpretations of the two protagonists of the dialogue.

What is a true statement? A true statement is present in a word that sets in motion the relationship of self to self that is constituent of an increased self-awareness. We are not what we are because we are not a thing-in-itself. This dichotomy of consciousness that governs its property of being reflective is at the heart of the principle of healing that underlies the actions of psychological care.