La lèpre est endémique en Guyane. Une étude menée sur la période 2007–2014 avait montré une résurgence, notamment chez des orpailleurs d’origine brésilienne, franchissant le seuil de prévalence de 1/10 000 habitants, définissant selon l’OMS un problème de santé publique significatif. Sur le plan thérapeutique, de récentes études ont mis en lumière les problèmes posés par des traitements anti-hanseniens prolongés, ainsi que par les états réactionnels. Nos objectifs étaient d’évaluer l’évolution de l’épidémiologie de la lèpre en Guyane depuis 2014, et d’évaluer l’efficacité des schémas thérapeutiques utilisés contre la lèpre et ses états réactionnels.

Nous avons inclus tous les patients avec diagnostic de lèpre suivis en Guyane entre le 01/01/2015 et le 31/12/2021. Les informations étaient extraites des dossiers médicaux.

Au total, 86 patients ont été inclus, dont 64 nouveaux cas durant la période d’étude et 22 déjà connus. Soixante patients étaient des hommes (70 %) et six cas pédiatriques (dont trois avant 15 ans) étaient identifiés. Le Portugais était la langue maternelle de 51 patients (59 %). Les orpailleurs représentaient 44,1 % des professions renseignées (15/34). La région la plus concernée était celle du Maroni (48 patients, 54,5 %). Les formes multibacillaires et paucibacillaires étaient trouvées chez respectivement 53 (71 %) et 22 (29 %) patients. Des infirmités de grade 1 et 2 étaient diagnostiquées chez 11 et 11 patients respectivement.

La prévalence annuelle ne dépassait jamais le seuil de 1/10 000 habitants sur la période 2015–2021, atteignant un pic de 0,96 en 2016 et 0,99 en 2019. L’incidence dans ces deux années était également la plus élevée, à 0,5/10 000 (14 nouveaux cas/an). L’incidence sur la période 2015–2021 restait constamment inférieure à celle observée en moyenne sur la période précédente 2007–2014 (0,67/10 000). La comparaison de l’incidence moyenne et de la prévalence moyenne sur les périodes 2007–2014 et 2015–2021 a montré une réduction significative de ces deux variables (p<0,0001). Sur le plan thérapeutique, le traitement anti-hansenien était prolongé au-delà d’un an pour 74 patients (86 %), notamment pour des problèmes de suivi. Des états réactionnels de type 1 et 2 étaient trouvés chez respectivement 17 et 12 patients, nécessitant des corticoïdes dans 25 cas, pendant une durée moyenne de 13,7 mois. Le thalidomide (2 patients) et la pentoxyfilline (10 patients) ne permettaient pas de raccourcir la durée de corticothérapie, contrairement à l’infliximab (2 patients).

La prévalence de la lèpre a significativement diminué en Guyane comparativement à la période d’étude antérieure. Cependant la présence de cas pédiatriques et la fréquence des formes multibacillaires laisse supposer une circulation active du bacille. La population des orpailleurs brésiliens, à la situation très précaire, est probablement à l’origine de plus d’un cas sur deux, leur profession étant souvent sous-déclarée. Sur le plan thérapeutique, des recherches de résistance aux antilépreux semblent nécessaires, bien que le suivi chaotique des patients semble majoritairement à l’origine des traitements prolongés. L’utilisation des anti-TNF-α dans le traitement des états réactionnels semble prometteuse et doit être approfondie, en épargne des corticoïdes.