L'hypothèse d'une nouvelle personnalité de base, qualifiée de « personnalité narcissico-hédoniste », s'appuie sur une réflexion sur les changements des tableaux cliniques, des conduites ordinaires des jeunes et sur une analyse des évolutions sociétales et familiales récentes. Chez l'enfant et l'adolescent, depuis 4 décennies, on observe une augmentation des pathologies externalisées, des attaques du corps, des conduites antisociales, et une diminution des troubles névrotiques. Les conduites des jeunes semblent guidées par l'hédonisme, l'affirmation de soi, l'individualisme, la recherche d'autonomie, avec une tolérance réduite à la frustration et au délai, un accrochage au perceptif, une grande spontanéité, une exploration active et un goût pour la nouveauté. Au niveau sociétal, l'individualisme contemporain favorise des conduites à la légitimité reposant sur les désirs et besoins des individus. Les normes de genre sont mises en question, avec le mariage pour tous et les revendications des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans (LGBT), ou LGBTQIA+ incluant les queers, intersexes et asexuelles, le + pour d'autres variantes. La structuration classique du temps social, allant du passé au futur, est écrasée par le présentisme, tous les cycles se raccourcissent, et l'accélération comme l'urgence exercent une forte pression sur chacun. Les affects sont devenus un repère de la « bonne vie » et l'objet de sollicitations par les médias et les réseaux sociaux qui y voient un moyen d'influencer les comportements. Le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources et la réduction drastique de la biodiversité nous montrent les limites du monde. Pourtant, l'espace médiatique et les croyances dans les possibilités scientifiques offrent de l'illimité (publicités, transhumanisme, etc.), source de dissonances cognitives. Les espaces sociaux, familiaux et personnels sont envahis par les « écrans », qui nous font entrer dans l'économie de l'attention. Ils modifient le rapport à l'espace, au temps, au corps, à l'attention, à la sociabilité et favorisent l'autodidaxie, et une autonomisation plus précoce de l'enfant. Nous donnons ensuite une esquisse de cette personnalité de base narcissico-hédoniste. Ses avatars pathologiques sont dans le registre des pathologies limites : dépression, dépendance affective et luttes contre elles (addictions), de la perversion narcissique avec instrumentalisation de l'autre pour son propre bénéfice, et de la psychopathie a minima. Ces transformations de la manière dont nous « fabriquons » nos enfants et adolescents impliquent de reconsidérer les accompagnements préventifs et thérapeutiques que nous leur proposons.