Cet article a pour but de raconter comment l’expertise psychiatrique pénale reconstruit en progressant avec douceur depuis les faits et l’histoire intime de la vie d’une clinique qui lui est spécifique.

Il s’agit de progresser en suspendant tour à tour les théories qui prévalent dans les domaines médical et judiciaire pour faire apparaître les phénomènes cliniques tels qu’ils se produisent dans l’expérience que le sujet fait naturellement du monde. Nous pratiquons cette forme de réduction dans la rencontre même avec le patient, et la relatons dans cet article en choisissant un style littéraire (37 paragraphes faits d’un paquet de mots égaux en nombre et numérotés), fidèle à sa progression subjective, faite de douceur, de formalisation et de coupures montrant les points d’attache objectifs à la solidité de la clinique.

Les faits cliniques se produisent dans le monde vécu par le patient et dans le monde commun, chacun pensé comme réalité de la vie quotidienne et réalité de travail, à la construction de laquelle participent les institutions et la culture. Nos résultats sont exposés comme autant de variations cliniques sur le thème de l’expertise pénale faisant valoir l’importance de l’histoire intérieure du sujet comme celle de la prégnance de sa culture.

Ce travail montre comment en passant de l’oral à l’écrit puis en revenant au moment de l’audience à nouveau à l’oral, l’expert produit les faits plus qu’il ne les décrit en les replaçant en relation directe avec l’expérience subjective : celle de l’auteur des faits, celle possiblement de la victime, et celle de l’expert lui-même. En tant que constitué d’histoires, aucun fait, clinique ou judiciaire, n’a de sens isolément. Il ne vaut que par la relation qu’il rend présente sous divers angles et points de vue, caractéristiques des réalités plurielles qui font la co-construction de l’expertise. La méthode phénoménologique en progressant avec douceur laisse apparaître les faits tels qu’ils peuvent prendre du sens pour chacun des protagonistes. Peut alors se dégager de la discussion et des passages successifs de l’oral à l’écrit un horizon commun de valeurs, lequel éclaire les possibilités du discernement, du choix et de la responsabilité qui structurent les missions confiées à l’expert.

La phénoménologie apporte à l’expertise une méthode de progression rigoureuse sur le plan philosophique comme sur le plan clinique. Elle peut ainsi contribuer à la progression de la vérité judiciaire sans recouvrir la réalité des faits cliniques d’une quelconque mythologie cérébrale ou d’une théorie préconçue et appliquée du dehors aux faits, à l’expérience propre du sujet et à ce qui les relie.

This article aims to show how the forensic psychiatric examination reconstructs, by progressing gently from the facts and the intimate history of a life, a clinical practice which is specific to it.

We set aside the theories that prevail in the medical and judicial domains in order to make the clinical phenomena appear as they occur in the subject's natural experience of the world. We practice this form of reduction beginning with the encounter with the patient, and relate it in this article by choosing a literary style (37 numbered paragraphs made up of a number of equal words), that is faithful to its subjective progression, made of gentleness, formalizations, and cuts showing the objective points of attachment to the solidity of the clinical.

The clinical facts occur in the patient's lived world and in the common world, each one thought of as a reality of daily life and a reality of work, and which are co-constructed by institutions and culture. Our results are presented as clinical variations on the theme of the forensic psychiatric examination, highlighting the importance of the subject's inner history as well as the importance of his or her culture.

This work shows how, by passing from the oral to the written form and then returning to the oral form at the time of the hearing, the expert witness does not so much describe the facts as he produces them, by placing them in direct relation with subjective experience: that of the perpetrator, that of the victim, and that of the expert himself. As a collection of stories, no fact, clinical or judicial, has any meaning in isolation. It only becomes worthwhile through the relationship that it makes present from various angles and points of view, characteristic of the plural realities that make up the co-construction of the expertise. The phenomenological method, by progressing gently, allows the facts to appear as they can make sense to each of the protagonists. A common horizon of values can then emerge from the discussion and the successive passages from oral to written form, which sheds light on the possibilities of discernment, choice, and responsibility that structure the missions entrusted to the expert witness.

Phenomenology brings to forensic psychiatry a rigorous method of progression on the philosophical level as well as on the clinical level. It can thus contributes to the progression of the judicial truth without draping the reality of the clinical facts with any cerebral mythology or any preconceived theory applied from the outside to the facts, to the subject's own experience, and to what links them.