Acouphènes : mécanismes et approche clinique - 01/01/98
laboratoire d'audiologie expérimentale et clinique, service d'oto-rhino-laryngologie, centre hospitalier universitaire de Bordeaux et Université Victor Segalen Bordeaux II, hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex France
Résumé |
D'une extrême fréquence, perturbant la vie de nombreux sujets sur une période de temps plus ou moins longue, les acouphènes sont souvent appréhendés, à juste titre, comme un véritable défi thérapeutique au monde médical et scientifique. Des progrès significatifs ont été accomplis ces dernières années, ouvrant des perspectives raisonnablement optimistes pour l'avenir.
Une définition des acouphènes aussi précise que possible est la première étape à leur compréhension. Elle peut se résumer à la perception d'un son non engendrée par une vibration du monde extérieur et inaudible par l'entourage. Nous nous attarderons quelques instants sur les différentes composantes de cette définition.
L'acouphène est une perception sonore, c'est-à-dire un phénomène psychosensoriel ressenti au niveau du cortex auditif. Cette première notion, trop souvent oubliée, a le mérite de nous rappeler que tout acouphène est analysé, interprété, " traité ", au niveau du système nerveux central, quel que soit le mécanisme qui l'a fait naître.
Cette perception n'est pas engendrée par une vibration du monde extérieur : si au début bien des patients recherchent, avec curiosité ou inquiétude, la source de ce bruit dans leur environnement habituel, au bout de quelques jours ou de quelques semaines ils s'aperçoivent ou finissent par admettre que ce bruit prend réellement naissance dans leur tête ou leurs oreilles. Certains sujets, intrigués ou inquiétés par cette expérience auditive nouvelle, consultent un médecin à cette phase très précoce et il importe de ne pas commettre d'erreurs dans les réponses à leurs questions [30] .
L'inaudibilité de cette perception par l'entourage revêt deux intérêts pour le clinicien. D'une part, les acouphènes parfois qualifiés, à tort, d'objectifs seront exclus de notre discussion, qu'il s'agisse des acouphènes d'origine vasculaire audibles par stéthoscope ou des contractions cloniques de muscles intervenant dans le fonctionnement de l'oreille moyenne : ces pathologies peuvent, certes, être invalidantes elles aussi, mais elles touchent un nombre restreint de malades et leur approche médicale est toute différente. En second lieu, l'inaudibilité par les proches représente volontiers une source de frustration ; le patient souffrant d'acouphènes se sent dans l'impossibilité de faire entendre aux autres ce qui le dérange, il peut avoir l'impression de ne pas être pris au sérieux par son entourage et estimer que personne n'est en mesure de comprendre ce qu'il endure.
Il est bien connu depuis fort longtemps que les acouphènes ne représentent pas une maladie en soi, mais constituent un symptôme qui peut relever de multiples causes [16 , 49 , 71] . On est cependant en droit d'admettre que tout acouphène dénote un dysfonctionnement du système auditif, le dérèglement pouvant se situer à n'importe quel niveau de l'appareil auditif. En dépit de cette extrême variété des causes potentielles, les études cliniques destinées à apprécier les effets de tel ou tel traitement continuent à englober sous la dénomination d'acouphènes des catégories de malades certainement très différentes les unes des autres. Ce paradoxe tient probablement à la difficulté d'adopter un mode de classification commun, qui serait accepté par l'ensemble des cliniciens comme dans le domaine des céphalées. L'intérêt d'une classification n'échappe à personne, et plusieurs systèmes ont été proposés [6 , 7 , 12 , 36] , notamment à partir de la surdité qui est souvent associée. Mais aucune des propositions faites à ce jour n'a obtenu une adhésion suffisante pour pouvoir être généralisée, ce qui est certainement un frein regrettable à la progression des connaissances.
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