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Le stress, principe actif de la peine de prison moderne : détresse et gestion de son état de stress en centre de détention régional chez des détenus primaires et condamnés pour des peines moyennes - 01/01/05

Doi : 10.1016/j.pto.2005.07.004 
R. Claudon a, G. Masclet b,
a Docteur en psychologie, chargé de cours à l'université de Nancy-II, membre de l'équipe de recherche « Psychologie des interactions et des cognitions dans les organisations » (PSICO, EA 3584), Lille-III, France 
b Professeur de psychologie des organisations, université de Lille-III, directeur de recherche dans l'équipe « Psychologie des interactions et des cognitions dans les organisations » (PSICO, EA 3584), Lille-III, université Charles-de-Gaulle Lille-III, BP 149, 59653 Villeneuve-d'Ascq cedex, France 

*Auteur correspondant.

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Résumé

La recherche exposée dans cette communication a comme premier objectif de montrer que la prison française exerce aujourd'hui la peine en recourant au stress. Nous soulignons ensuite que le fonctionnement interne de cette organisation a tendance à renforcer les aspirations négatives à la resocialisation, donc à conforter le taux élevé de récidive à l'incarcération. Le troisième objectif est de mettre en évidence que le profil pénal du détenu a une incidence sur ses réactions face au stress carcéral. Nous montrons que cette inégalité de statut face au stress carcéral (liée au profil pénal) est encore accentuée par le mode de fonctionnement actuel de la prison. En devenant pénale, la prison a dû rompre avec toutes atteintes au corps. Pour Foucault (1975), la peine s'est exercée sur l'esprit du sujet. Mais comment a-t-elle continué à contraindre ? Nous montrons que la contrainte majeure qu'impose la situation d'emprisonnement réside dans le fait qu'elle façonne l'environnement du détenu en le lui rendant imprédictible. Le caractère pénal de cette mesure s'apparente donc à un stress consécutif à l'impossibilité que le sujet a de contrôler son environnement. Depuis les années 1980, la législation européenne s'est peu à peu imposée à l'univers carcéral français. Le détenu jouit d'une multitude de droits individuels. Pourquoi dans de telles conditions matérielles de clémence, la contrainte d'emprisonnement semble-t-elle encore ressentie durement ? Pour le découvrir, nous étudions d'abord comment la prison moderne agit comme un stresseur, puis comment le détenu réagit à cette situation. L'analyse du fonctionnement organisationnel et spatial d'un centre de détention régional (CDR) moderne (issu du « Programme 13 000 ») fait apparaître que les mesures tournées vers l'amendement, et principalement les activités de réinsertion sociale, deviennent autant d'outils de soumission. Alliées à une utilisation particulière des lieux carcéraux, les actions de normalisation des détenus se multiplient afin d'obtenir de « bons détenus », c'est-à-dire des individus dociles. Pour échapper au stress, l'individu a la possibilité de choisir une activité de resocialisation. Nous mettons donc en évidence que cette peine s'exerce aujourd'hui sur les conduites et qu'elle fonctionne comme un dispositif de conditionnement opérant fondé sur le stress. Nous analysons expérimentalement la détresse que manifestent 27 détenus incarcérés pour la première fois (pour vol ou pour agression sexuelle) et condamnés à des peines moyennes (de trois à cinq ans), et les formes d'ajustement qu'ils peuvent développer durant les deux premiers mois qui suivent le transfert de maison d'arrêt en CDR. Il apparaît que les conduites induites par ce modelage organisationnel constituent une stratégie d'adaptation au stress carcéral beaucoup plus efficace que le fait d'exprimer des coping positifs (tournés vers la socialisation). L'étude de l'état physiologique de stress au travers de la production de cortisol urinaire sur 24 heures met en évidence que la prison ne favorise pas les aspirations des détenus à se réinsérer dans la société. Cette étude souligne par ailleurs que l'ajustement au stress carcéral diffère selon le profil pénal. Les sujets condamnés pour vol fréquentent plus les activités que ceux qui ont commis une agression sexuelle. Ils réduisent aussi plus leur taux de cortisol urinaire sur 24 heures. De plus, chez les sujets condamnés pour agression sexuelle, la nature adaptative des coping (au travers de la baisse du taux de cortisol urinaire sur 24 heures) devient imprévisible : elle est remise en cause d'un mois sur l'autre de notre expérimentation.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

Research displayed in this communication has as first objective to show that the French prison institutes today the punishment running again to the stress. We underline that the internal functioning of this organization has a tendency to intensify negative aspirations compared to the social reintegration, then to corroborate the raised proportion of second offence following incarceration. The third objective is to make obvious that the penal profile of the prisoner has an impact on his reactions faced with prison stress. We show that this statute inequality facing the prison stress (linked to the penal profile) is stressed again by the current functioning method of the prison. When it becomes penal, the effects of the prison sentence do not show an increasing effect on the subject's physical state. For Foucault (1975), rather, the suffering is felt by the subject's spirit. But how has it continued to constrain? We show that the major pressure imposed by the situation of imprisonment is due to the fact that it manufactures the environment of the prisoner by making it impossible to predict. Therefore, the criminal character of this measure resembles a successive stress consecutive to the impossibility which the subject has to control its environment. Since 1980 s, little by little, European legislation has inspired respect to the French prison world. The prisoner enjoys a lot of individual rights. Why in such material terms of clemency, does the pressure of imprisonment is still felt harshly? To discover it, we are first studying how the modern prison acts as a stressor, then how the prisoner reacts to this situation. The analysis of the organizational and space functioning of a modern Regional Detention Centre (CDR) (existent of “Program 13000”) shows that measurements turned to amendment, and in most cases activities of social reintegration become instruments of subjection. Combined with a specific usage of places, prisoners' actions-at-law multiply in order to obtain “good detainees”, in other words, docile individuals. If they want to escape from this place of stress, the individuals can undertake a re-socialisation activity. Therefore, we put in an obvious place that, today, this penalty exercises over behaviours today and that is acts as a conditioning mechanism based on the stress. We analyse experimentally the distress that show twenty-seven detainees incarcerated for the first time (for burglary or for sexual aggressions) and condemned for medium length sentences (from 3 to 5 years) and the forms of adjustment which they can develop during the first two months which follow the transfer of “Maison d'Arrêt” in CDR. It appears that behaviours led by this organizational modelling constitute a strategy of adaptation to prison much more efficient than the fact to express positive coping (turned to social reintegration). The study of the physiological state of the stress via the production of urinary cortisol over 24 hours puts in an obvious place that the prison does not favour prisoners' aspirations to be inserted in the society. Moreover, this study highlights that the subject's adjusting to the prison stress differs according to the penal profile. The subjects condemned for burglary use these activities more than those condemned for sexual aggressions. They show a more significant reduction of their ratio of urinary cortisol over 24 hours. In addition, in those subjects condemned for sexual aggression, the nature of the adaptive coping (via a decrease in their ratio of urinary cortisol over 24 hours) becomes unpredictable: it varies from month to month during our experiment.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Stress carcéral, Prison, Détresse, Cortisol urinaire, Stress perçu, Coping, Conditionnement opérant, Réinsertion sociale

Keywords : Prison stress, Prison, Distress, Urinary cortisol, Perceived stress, Coping, Operating conditioning, Social reinsertion


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Vol 11 - N° 3

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