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Prise de décision et schizophrénie - 02/01/12

Doi : 10.1016/S0013-7006(11)70036-7 
M. Adida , ((a)) , M. Maurel ((a)), A. Kaladjian ((b)), E. Fakra ((a)), P. Lazerges ((a)), D. Da Fonseca ((a)), R. Belzeaux ((a)), M. Cermolacce ((a)), J.-M. Azorin ((a))
(a) Pôle universitaire de psychiatrie, hôpital Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 09, France 
(b) CHRU, hôpital Robert Debré, avenue du Général Koenig, 51092 Reims, France 

Auteur correspondant.

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Résumé

Les chercheurs ont longtemps supposé que la physiopathologie de la schizophrénie était soustendue par des anomalies impliquant le cortex préfrontal (CPF). Ils ont évalué l’intégrité du CPF en se focalisant principalement sur le CPF dorsolatéral (CPFDL), et la littérature scientifique a rapporté un dysfonctionnement de cette région dans de nombreuses publications. Cependant, les anomalies présentes dans la schizophrénie s’étendraient à d’autres régions du CPF, en particulier le CPF ventromédian (CPFVM) : le dysfonctionnement du CPFVM dans la schizophrénie a été mis en évidence dans des études anatomopathologiques, d’imagerie structurale et d’imagerie fonctionnelle. Les patients cérébrolésés au niveau du CPFVM ont développé des troubles du comportement d’un point de vue social et des troubles du jugement dans leur vie personnelle. L’Iowa Gambling Task (IGT) ou test du jeu de poker a été créé pour évaluer les capacités de prise de décision de ces patients neurologiquement atteints : ce test présente au sujet une série de 100 pioches de cartes parmi quatre piles de cartes qui diffèrent dans leur distribution des gains et des pertes. Tandis que les sujets volontaires sains piochent préférentiellement dans les deux piles de cartes « avantageuses », les patients cérébrolésés persistent à piocher des cartes dans les deux piles « désavantageuses », piles associées à court terme à des renforcements positifs, mais entraînant à long terme une importante dette d’argent. Il est intéressant de noter que des lésions au niveau du CPFVM ont pour conséquence un déficit d’insight, c’est-à-dire une non-conscience des modifications comportementales présentées par ces patients, associée à un déficit de performance à l’IGT. Récemment, notre groupe de recherche a rapporté des anomalies des capacités de prise de décision dans les trois phases du trouble bipolaire. De plus, dans une étude d’imagerie fonctionnelle par tomographie d’émission de positons, une dysfonction du CPFVM a été associée, chez un groupe de patients bipolaires en phase maniaque, à des anomalies de prise de décision, et une association entre déficit de prise de décision et défaut d’insight a été rapportée dans la manie. Récemment, une corrélation entre une diminution du volume de la substance grise du CPFVM et une atteinte des capacités de mémoire a été rapportée dans la schizophrénie. La littérature scientifique suggère que les déficits d’insight soient un trait clinique caractéristique de la maladie, comme le sont les hallucinations acoustico-verbales, le délire paranoïde, la bizarrerie, ou les troubles du cours de la pensée et du discours. Parce que la schizophrénie est associée à des dysfonctionnements sociaux et dans la vie au quotidien, différents groupes de recherche ont évalué les capacités de prise de décision de patients schizophrènes, cependant, les résultats sont contradictoires. Treize études ont rapporté des déficits de prise de décision évalués avec l’IGT, et dans sept publications, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les groupes de patients et de sujets contrôles. Ces discordances seraient dues à de multiples facteurs. Premièrement, la plupart des études ont inclus des groupes d’effectif peu élevé entraînant une variance des scores à l’IGT élevée, et des résultats non significatifs. Deuxièmement, comme l’ont suggéré Rodríguez-Sánchez et al., il existe une grande variabilité de performance des sujets sains d’une étude à l’autre. Troisièmement, le quotient intellectuel (QI) et le niveau d’éducation des sujets seraient corrélés à la performance à l’IGT, ce qui expliquerait les différences de performance entre les groupes de patients et de sujets contrôle, dans les études qui n’ont pas contrôlé ces variables. Quatrièmement, seulement deux groupes ont systématiquement contrôlé les variables confondantes que sont l’abus de substances et la consommation de tabac. Cinquièmement, seulement deux études ont mesuré l’impact de la classe d’antipsychotique utilisée sur la performance à l’IGT. Sixièmement, à notre connaissance, aucune étude n’a testé l’existence d’une association entre la dose d’antipsychotique et des capacités de prise de décision déficitaires. Finalement, les discordances de résultats pourraient être liées à l’hétérogénéité du diagnostic entre les différentes études. Deux études, qui ne rapportent pas de différence significative, ont évalué des patients schizophrènes, mais aussi des patients schizo-affectifs, tandis que la majorité des études rapportant des différences de performance entre les deux groupes, ont exclusivement inclus des patients schizophrènes. Néanmoins, il faut préciser que certains travaux ayant uniquement évalué des patients schizophrènes, n’ont pas montré de différence significative entre patients et sujets contrôle. Ainsi, les recherches futures devraient évaluer les capacités de prise de décision dans la schizophrénie en comparant un groupe de patients schizophrènes, de diagnostic homogène, d’effectif élevé, à un groupe de sujets contrôles, d’effectif élevé. Les variables confondantes que sont le QI ou le niveau d’éducation, l’abus de substances et la consommation de tabac, devraient être contrôlées systématiquement. Parce que la communauté scientifique reconnaît maintenant que les anomalies du CPFDL dans la schizophrénie s’étendent à d’autres régions du CPF, incluant le CPFVM, les travaux de recherche à venir devraient tester la possible association entre capacités de mémoire, d’insight et de prise de décision, et évaluer l’impact de la dose d’antipsychotique sur la performance des patients à l’IGT.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Summary

Abnormalities involving the prefrontal cortex (PFC) have long been postulated to underpin the pathophysiology of schizophrenia. Investigations of PFC integrity have focused mainly on the dorsolateral PFC (DLPFC) and abnormalities in this region have been extensively documented. However, defects in schizophrenia may extend to other prefrontal regions, including the ventromedial PFC (VMPFC), and evidence of VMPFC abnormalities comes from neuropathological, structural and functional studies. Patients with acquired brain injury to the VMPFC display profound disruption of social behaviour and poor judgment in their personal lives. The Iowa Gambling Task (IGT) was developed to assess decision-making in these neurological cases : it presents a series of 100 choices from four card decks that differ in the distribution of rewarding and punishing outcomes. Whilst healthy volunteers gradually develop a preference for the two “safe” decks over the course of the task, patients with VMPFC lesions maintain a preference for the two “risky” decks which are associated with high reinforcement in the short term, but significant long-term debt. Interestingly, damage to VMPFC may cause both poor performance on the IGT and lack of insight concerning the acquired personality modification. Recently, our group reported a trait-related decisionmaking impairment in the three phases of bipolar disorder. In a PET study, VMPFC dysfunction was shown in bipolar manic patients impaired on a decision-making task and an association between decision-making cognition and lack of insight was described in mania. A quantitative association between grey matter volume of VMPFC and memory impairment was previously reported in schizophrenia. Research suggests that lack of insight is a prevalent feature in schizophrenia patients, like auditory hallucinations, paranoid or bizarre delusions, and disorganized speech and thinking. Because schizophrenia is associated with significant social or occupational dysfunction, previous research assessed decision-making function but indicates conflicting results. Thirteen studies have reported impaired IGT performance in patients with schizophrenia and, in seven reports, no significant differences in IGT performance between patient and healthy control groups were found. Those discrepancies may relate to multiple factors. First, most of the studies included small sample size and negative findings may be due to the large variance of net scores. Second, as suggested by Rodríguez-Sánchez et al., there is a wide disparity in performance by control subjects across studies. Third, intelligence quotient (IQ) score and level of education may be correlated with IGT performance, which may explain IGT performance differences in studies that did not control for educational or IQ score. Fourth, only two studies have systematically controlled for substance use disorder, a potential confounder. Fifth, only two studies assessed the impact of antipsychotic (AP) class on performance. Sixth, to our knowledge, no study assessed the impact of AP dosage on decision-making ability, while AP dose-reduction and dopamine increase, might lead to improvements, in cognitive functions in schizophrenia and in IGT performance in bipolar disorder, respectively. Finally, discrepancies between studies may be related to the heterogeneity of diagnostic groups. Two of the negative studies included schizophrenia and schizoaffective disorder while positive studies have generally included only patients with schizophrenia. Nevertheless, some studies that included only patients with schizophrenia failed to find differences between groups. Thus, further research should assess decision-making in schizophrenia by testing a large group of patients with homogeneity of diagnostic, in comparison with a large group of control subjects. Authors should control for IQ or level of education, substance use disorder and smoking status. While it is now accepted that DLPFC defects in schizophrenia may extend to VMPFC, future investigations should test for an association between memory, insight ability and IGT performance and assess the impact of antipsychotic dosage upon performance.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Schizophrénie, Prise de décision, Iowa Gambling Task, Cortex préfrontal ventromédian, Revue de la littérature

Keywords : Schizophrenia, Decision-making, Iowa Gambling Task, Ventromédian prefrontal cortex, Non-systematic review


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Vol 37 - N° S2

P. S110-S116 - décembre 2011 Retour au numéro
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  • Dynamique des coordinations sensorimotrices interpersonnelles chez les patients schizophrènes : introduction d’un nouveau paradigme
  • P.-E. Lazerges, M. Cermolacce, E. Fakra, S. Tassy, J.-M. Azorin, P. Huguet, J.A. Scott Kelso, O. Oullier
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  • Théorie de l’esprit et schizophrénie
  • M. Cermolacce, P. Lazerges, D. Da Fonseca, E. Fakra, M. Adida, R. Belzeaux, J.-M. Azorin

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