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Parler du deuil pour éviter de parler de la mort ? La société occidentale face aux changements démographiques et culturels du xxie siècle - 29/03/13

Doi : 10.1016/j.amp.2013.02.001 
Marie-Frédérique Bacqué
EA3071, SULISOM, Société française de thanatologie, université de Strasbourg, 12, rue Goethe, 67000 Strasbourg, France 

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Résumé

Si le deuil est un phénomène carrefour qui croise la culture et l’affectivité, la part culturelle du deuil s’estompe depuis le début du xxe siècle en France. Reste la part affective. On assiste à un renversement de l’expression du deuil. Il y a encore cent ans, l’expression sociale du deuil était majoritaire, le vécu intime restait masqué. Avec les grandes guerres mondiales, la désorganisation des rituels et la perte des croyances en un Dieu protecteur, ce sont les affects du deuil qui sont apparus au premier plan. De collectif, le deuil est devenu solipsiste (référé au moi). La tentative de soigner le deuil s’est développée avec les « progrès » de la médecine et la médicalisation, plus individuelle, des états affectifs. Le deuil le plus fréquent reste pourtant celui de l’épouse âgée qui perd son compagnon. Mais ce deuil banal est peu bruyant ni visible, les médias mettant plus l’accent sur les deuils exceptionnels. Pourtant, d’ici 2050, le nombre de décès va augmenter de 38 % en France, la prospective évoque 750 000 décès par an. Le deuil n’aura donc rien d’exceptionnel. Cependant, les endeuillés montrent un vécu subjectif de la temporalité qui leur fait refuser la longueur indéfinie du travail du deuil. Le deuil d’aujourd’hui est solitaire, même s’il se crie dans un blog, se cherche sur Facebook. Il se pare de l’incongruité de l’événement extrême, en masquant la destinée plus banale de la majorité, que certains aimeraient court-circuiter dans une mort hâtée, salubre et discrète. Rétablir le lien social autour de la mortalité et de la fragilité de l’existence redonnerait au deuil sa place génératrice de solidarités humaines, sa place affective moteur de l’expérience de l’individu, sa place familiale, inscrivant dans l’histoire les modalités d’attachement et d’identification des membres d’une lignée.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

If bereavement is a crossroad phenomenon involving both collective belonging and private attachment, the cultural part in the loss of a kin has progressively been erased since the beginning of the 20th century in France. What remains is the affective dimension. There is a kind of reversal of grief expression in our western societies. One hundred years ago, the social expression of mourning was predominant whereas the intimate expression of grief was hidden behind. But with the two world wars, the disorganization of rituals and the loss of faith in a protective God, the affects came to the forefront. Once collective, bereavement is now solipsist (referred to the self). Faced with a lack of social treatment, bereaved people turn to medicine and try to “cure” their grief. They acclaim “advances” in Medicine and appreciate the individualization in the medicalization of emotional states. On one hand, there is the most frequent bereavement in our societies, which is the loss of their old companions by lonely spouses. But this ordinary loss is cautious and quiet. On the other hand, media are exaggerating exceptional bereavements. But instead of being shared in collective ceremonies, these catastrophic deaths are provoking numbness, even in therapeutic groups and are now included in psychiatry manuals. By 2050, the number of dead people will have increased by 38 % in France. Prospective studies are planning 750,000 dead people in the year of 2050. Bereavement will not be exceptional then. A real demand for psychosocial support will certainly develop in the future, far beyond family propositions and community support. Associations with medical expertise are today centered on complicated grieves and propose special follow up in sanitary institutions (where about 70 % of persons die in France). Although bereaved people have a subjective feeling of a too long and uncertain temporality of grief, unusual bereavements draw outpour of grief in blogs or are searched for on Facebook. But grief is frequently lived alone. It seems that common bereavement is a kind of incongruity that many would like to bypass with a hastened death, a discreet and sober disappearing. Restoring social bonds around the mortality and fragility of existence would give back grief its social place in existence as generating human collective solidarity. Mourning would find again its affective role as a driving force behind individual experience and would find again its legitimate place within family lives, passing down from generation to generation the modalities of attachment and of identification to a lineage.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Culture, Deuil, Mort, Rites funéraires, Temporalité

Keywords : Bereavement, Culture, Death, Funeral rites, Grief, Temporality


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Vol 171 - N° 3

P. 176-181 - avril 2013 Retour au numéro
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