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Quelle utilité des directives anticipées pour les médecins ? - 18/06/13

Are advance directives useful for doctors and what for?

Doi : 10.1016/j.lpm.2012.09.027 
Véronique Fournier 1, , Denis Berthiau 1, 2, Emmanuelle Kempf 1, Julie d’Haussy 1
1 Hôpital Cochin, centre d’éthique clinique, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France 
2 Université Paris Descartes, Paris, France 

Véronique Fournier, Hôpital Cochin, centre d’éthique clinique, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.

Résumé

Objectif

Étudier l’intérêt des personnes de plus de 75ans pour le dispositif des directives anticipées, quelques années après son introduction en 2005 dans la loi française.

Méthodes

La méthode d’enquête a été qualitative. Elle a consisté en un entretien approfondi (45minutes environ) aux fins de comprendre ce qu’elles avaient à dire sur les directives anticipées, mais aussi sur les conditions du vieillir et du mourir. Huit sous-groupes de personnes ont été constitués pour être illustratifs des personnes âgées dans leur diversité selon leur état de santé et de dépendance. Un neuvième groupe a complété l’enquête, constitué de personnes, a priori militantes des directives anticipées, puisque toutes membres de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD). Le contenu des entretiens a été analysé en s’inspirant des méthodes d’analyse qualitative de référence.

Population de l’étude

Cent quatre-vingt-six personnes ont été incluses dans l’étude (106 femmes, 80 hommes, d’âge moyen 82,7ans) dont 167 appartenaient au groupe dit « population principale » et 19 au groupe de référence « ADMD ».

Résultats

Quatre-vingt-dix pour cent des personnes interrogées ont dit n’avoir jamais entendu parler des directives anticipées avant l’entretien. Après avoir été informées de leur finalité, elles étaient encore 83 % à exprimer qu’elles n’étaient pas intéressées, soit qu’elles ne se sentaient pas concernées, soit que le dispositif soit selon elles inefficace – les choses ne se présentent jamais comme on les a imaginées, inutile – les médecins feront de toute façon ce qu’ils veulent, voire même dangereux – écrire ferait prendre le risque que les médecins baissent les bras avant l’heure. Seules 28 personnes dans la population principale se sont dites intéressées, en plus des 19 du sous-groupe ADMD. Elles avaient toutes le même profil de personnalité : un tempérament particulièrement fort et autonomiste, indépendamment d’un quelconque niveau socioculturel. L’intérêt pour les directives anticipées est apparu indépendant de l’âge ainsi que de l’état d’autonomie ou de santé.

Conclusion

Il y a selon nous trois messages à tirer de cette étude qui peuvent être utiles aux médecins relativement aux directives anticipées. (1) Il y a environ 20 % de personnes pour lesquelles il est essentiel d’exercer son autonomie sur ce sujet spécifique de la fin de vie, et qui attendent que leur volonté exprimée soit respectée. Ne devrait-on pas considérer leurs directives comme contraignantes même si la loi n’y oblige pas actuellement ? (2) Environ 30 % supplémentaires sont intéressées de parler du temps qu’il reste à vivre. Leur souci est davantage de signifier ce qui est important pour elles en termes de qualité de vie que d’exprimer des directives anticipées sur les conditions de leur mort. (3) Il reste beaucoup à faire si l’on veut que les gens s’expriment sur les conditions du mourir. Pour aider à cela, les médecins ont un rôle pédagogique essentiel à jouer : ils devraient informer davantage sur les limites de la médecine et la nouvelle complexité des décisions à prendre en fin de vie.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Summary

Objectives

In France, the law has introduced the possibility to write advance directives since 2005. In this paper, we will present the results of a study designed for checking how much people over 75years are interested by this new tool.

Methods

The inquiry consisted in deep qualitative interviews (around 45’) to further understand what people included in the study have to say about advance directives, but also about the conditions of ageing and dying. The study sample was composed of 8 over 75years subgroups, chosen for being illustrative of different health status and/or disabling status. Finally, a last subgroup was also included, called “referent”, because composed of people, all members of the “Association pour le droit à mourir dans la dignité” (ADMD), and as such supposed to be pro-advance directives. Interviews content was analysed through qualitative analysis referent methods (“Analyse qualitative en sciences humaines et sociales”, Paillé et Muschielli, “Grounded Theory”, Glaser).

Population of the study

One hundred and eighty-six patients were included (106 female, 80 male, mean age 82.7ans), 167 in the general group and 19 in the “ADMD” group.

Results

Ninety percent in the general group said that they never heard about advance directives before the inquiry. After having been informed by us about what advance directives were for, 83% remained not interested they said, some because they felt they were not personally concerned, others expressed that the tool appears to them inefficient – “things never happen the way you planned it”, not useful – “doctors will act as they will decide whatever will be written”, or even more potentially dangerous – “writing advance directives might lead doctors not to be as much therapeutically aggressive as for other people”. Only 28 persons in the general group (17%), together with the 19 of the ADMD group, said they were interested by advance directives. They all were quite similar according to their personal character: they were quite strong and voluntary people, claiming firmly about their autonomy, independently of any sociodemographic profile. Furthermore, the interest for advance directives appears to be completely independent from the health or disabling status. Another important result of the study is that patients generally express themselves as being very confident and trustful in their doctors. They do not fear to be over-treated and having to support any futile treatment.

Conclusion

Around 20% of people are very much concerned by advance directives and do really expect that their wishes will be respected. The authors suggest that advance directives should be for them really respected, even if the French law let doctors free at this point to decide what the best interest of the patient actually is and if they should or not respect in this case what the patient wrote as advance directives. Around 30% of other people appear interested to speak with someone of the time they will still live. Their concern is more to express what is important for them in terms of still living and quality of life, than to express very clear advance directives about the way they would like to dye. The last learning of the study is that there is still a lot to do if we want more people precisely express something on the conditions of their dying. Doctors might have a fundamental pedagogic role in that respect: they should better inform patients about the limits of medicine and tell them more about the new complexity of medical decision-making at the end of life due to recent improvements in techniques.

Ce qui était connu

Le dispositif des directives anticipées tel qu’introduit dans la loi française depuis 2005.
L’analyse juridique du dispositif adopté qui a déjà été commenté par de nombreux juristes.

Ce qu’apporte cet article

Une vision de terrain sur la façon dont sont perçues les directives anticipées par la population.
Une vision de terrain sur la façon dont les personnes âgées ont envie ou non d’aborder le sujet de leur fin de vie et de leur mort.
Une discussion sur l’intérêt et les limites des directives anticipées en pratique clinique courante.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

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Vol 42 - N° 6P1

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