Les relations sexuelles consenties entre mineurs : libre sexualité, questionnements, interdictions - 03/08/13

Doi : 10.1016/j.sexol.2012.11.002 
J. Delga 1  : Avocat à la Cour, Docteur d’État en Droit
9, square Adanson, 75005 Paris, France 

Résumé

La question juridique de la sexualité entre mineurs est le plus souvent méconnue, pratiquement jamais enseignée. Le législateur a laissé de côté le sujet. On peut le regretter car jeunesse et sexualité ne sont nullement incompatibles. Le sujet, par ailleurs, n’intéresse pas que le juriste mais bien d’autres disciplines et notamment les psychologues, psychiatres, sexologues, et plus généralement tout le monde de l’éducation. Plus précisément, les relations sexuelles librement consenties entre mineurs ne font pas l’objet en France de dispositions spécifiques dans le Code pénal. Le Code pénal ne vise essentiellement que les relations entre un mineur et un majeur. Un majeur ne peut avoir de relations avec un mineur de 15 ans. C’est en ce sens qu’on considère de manière un peu audacieuse que la majorité sexuelle des mineurs est à l’âge de 15 ans (alors que la majorité pénale ou civile est à l’âge de 18 ans). Faute de texte explicite, pour déterminer si une relation sexuelle entre des protagonistes « mineurs » consentants est licite ou illicite, il faut le plus souvent se référer à la jurisprudence ou interpréter dans certains cas les textes du Code pénal concernant les majeurs. En France, le principe juridique est de nos jours celui de la libre sexualité entre mineurs à l’instar du principe de libre sexualité des majeurs. Les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) auxquelles notre pays est soumis ont joué sur ce point un rôle récent et important. Il n’y a donc plus de bonne ou mauvaise sexualité comme tel était le cas antérieurement lorsque notre droit de la sexualité s’appuyait sur des dogmes religieux. De nos jours, les rapports consentis entre mineurs qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels ne peuvent faire l’objet d’une prohibition pénale. Il existe toutefois des cas où le trop jeune âge du mineur permet de considérer qu’il est une « victime » et qu’il n’a pas donné son consentement en dépit de son accord formel. Il existe aussi d’autres cas où le très jeune âge de l’auteur d’un acte sexuel permet de lui éviter la qualification « d’agresseur sexuel » ainsi que des poursuites pénales. Des situations sont équivoques, difficiles à trancher. Parmi ces dernières, celles qui concernent les rapports « incestueux » car le qualificatif d’inceste n’est pas (ou plus) utilisé aujourd’hui par le Code pénal. Dès lors, une relation sexuelle entre un jeune frère et une jeune sœur ne devrait pas pouvoir être ipso facto sanctionnée. Le délit de corruption de mineur, de même, pose le problème de savoir si ce délit « la corruption de mineur » s’applique à un corrupteur qui serait lui-même mineur. À titre anecdotique, il ne semble pas « à notre sens » qu’un mineur qui organiserait des soirées échangistes pour d’autres mineurs puisse être poursuivi pour corruption de mineur. En revanche, le mineur qui favoriserait la lecture ou la distribution de lecture ou de vidéo pornographique pourrait être poursuivi sur le fondement d’une telle infraction. Quelle complexité, quelle absence de logique ! Il existe enfin des interdictions légales. Elles peuvent surprendre dans la mesure où la « victime mineure » a plus de 15 ans, âge dit de la majorité sexuelle. Ainsi un mineur ayant une autorité hiérarchique sur un autre mineur même âgé de plus de 15 ans est passible de sanction pénale en cas de rapport sexuel avec ce dernier. Un moniteur ou une monitrice de colonie de vacances de 17ans et demi ne peut donc avoir une relation sexuelle avec un mineur du même âge qui serait pensionnaire dans cette colonie. Une seconde interdiction légale doit être soulignée. Un mineur qui solliciterait un rapport tarifé avec une prostituée mineure (même âgée de plus de 15 ans) serait « à notre sens » passible de poursuites pénales. Les fondements des diverses solutions préconisées sont explicitées dans l’analyse détaillée.

Conclusion

Il faut retenir que le législateur ne s’est pas intéressé à la sexualité des mineurs entre eux. Le droit applicable est de ce fait complexe, parfois incertain. Des dispositions explicites concernant les rapports sexuels entre les mineurs (et pas seulement les rapports entre un majeur et un mineur) devraient pouvoir générer une plus grande certitude. Elles ne seraient pas inutiles.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Summary

The law on sex between minors is more often than not poorly known and practically never taught. Legislators have disregarded the subject. This is regrettable because youth and sexuality are not mutually exclusive. It is a subject which is of concern to specialists other than lawyers – psychologists, psychiatrists, sexologists and more generally those in education and training. More specifically, freely consented sex between minors does not feature in the penal code, the latter being mainly concerned with relations between adults and minors. An adult must not have sexual relations with a minor aged fifteen years, and it is in this sense that French law stipulates (rather audaciously) that the age of consent is fifteen years (whereas the age of criminal and civil responsibility is eighteen). Without a clear text which guides us on whether a sexual relation between consenting minors is illicit or not, usually one has to refer to the jurisprudence, or to certain texts of the penal code that concern adults. In France the central legal principle used today for consenting sex between minors is modelled on that for free consenting sex between adults. Decisions of the European Court for Human Rights, to which France is subject, have played an important role recently here. There is no longer a “good or bad” sexuality, as was once the case when the law on sex was based on religious dogma. Today, sexual relations between consenting minors, whether homosexual or heterosexual, cannot be characterized as criminal. However, there are cases where the tender age of the minor suggests that he or she is a “victim” who has not really consented, despite their assent. There are other cases where the age of the perpetrator of a sexual act suggests that he or she should not be considered as a “sexual aggressor” and criminal proceedings can be avoided. Some situations are ambiguous and difficult to clarify. Among them are those concerning “incestuous” sex because the reference to incest no longer features in the penal code. It follows that sex between a young sister and brother cannot be, ipso facto, sanctioned. As for the unlawful act of “corruption of a minor” there is also the issue of knowing whether a minor can be the perpetrator, the corrupter. Incidentally it does not seem possible, in our view, that a minor who organized sex parties for other minors could be prosecuted for corrupting them. On the other hand a minor who spread pornography to other minors could well be prosecuted. What complexity and what incoherence! Finally there remain legal prohibitions, and these are striking in that the victim (a minor) can be older than fifteen, the age of sexual consent. Thus a minor who has some formal authority over another minor, even if over fifteen years of age, can be prosecuted for having sex with the latter. A monitor or supervisor in a Youth Camp or Hostel who is seventeen and a half cannot have a sexual relationship with someone of the same age staying in the camp. A second prohibition needs to be highlighted: a minor who sought to pay a young (minor) prostitute for sex – even if the latter was older than fifteen – could, in our view, be criminally prosecuted. The rational bases of the different solutions proposed are made clear in the detailed analysis in the following text.

Conclusion

What needs to be borne in mind is that legislators have not examined the issue of sex between minors per se, and for this reason the applicable law is complex and unclear. Clear legal guidelines concerning sexual relations between minors themselves (and not just relations between minors and adults) would provide greater certainty and coherence. As such they would be extremely useful.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Droit et sexualité des mineurs en France, Droit et sexualité des mineurs entre eux, Relations sexuelles licites et illicites entre mineurs, Liberté sexuelle entre mineurs, Sexualité et âge du mineur, Sexualité et consentement du mineur

Keywords : The law on sex between minors in France, The law on sex between minors themselves, Sexual relations, illicit or not, between minors, Sexual freedom among minors, Sexuality and the age of the minor, Sexuality and the consent of the minor


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Vol 22 - N° 3

P. 124-132 - juillet 2013 Retour au numéro
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