Pendant plus de 20 années d’enseignement, Lacan n’eut de cesse de préciser et de redéfinir le concept de réalité pour, au final, l’opposer à celui de réel. Donnant toute son importance à la « réalité psychique », Lacan subvertit le concept pris dans sa dimension première, naïve, pour forger un concept à part entière articulé nécessairement aux trois registres du réel, du symbolique et de l’imaginaire. D’une réalité structurée, appréhendée d’abord via les relations imaginaires intersubjectives, Lacan, dans les années 1950, va passer au primat du symbolique et ainsi donner une définition de la réalité essentiellement structurée par le symbolique. On voit alors les signifiants fondamentaux qui viennent jouer un rôle dans la construction de la réalité (le Désir de la Mère, le Nom-du-Père, le Phallus, etc.). Ne pouvant s’élaborer comme telle qu’à partir de la « perte d’objet », Lacan va réduire la réalité au fantasme, lui donner une valeur de fiction, puisque basée sur un vide inhérent à la structure de langage. On verra ainsi que le fantasme dit « fondamental » du névrosé joue un rôle de voile quant à cette castration symbolique, et que le psychotique, lui, dont la réalité s’avère distordue, ne peut se protéger du réel par le fantasme. Cette conception de la réalité a des incidences cliniques très concrètes quant au mode de traitement que l’on peut envisager avec les sujets psychotiques, et fait valoir une éthique du sujet résolument anti-déficitaire.

During more than 20 years, J. Lacan did not cease to explain and to determine with precision the concept of reality. The “psychical reality”, described by S. Freud, is according to Lacan the most important concerning this question of reality. Lacan demonstrates that subjective reality is structurated by the language, by the first symbolic and significant relations. The construction of reality depends on “lost object”, therefore Lacan identified finally reality and phantasm. This conception can be precious and useful for clinicians particularly in the orientation of the treatment concerning psychotic patients. Besides, this psychoanalytic approach concerning reality is also a fundamental ethic question.