Depuis deux siècles se pose l’épineux problème de la définition du délire dans la psychose. Pendant longtemps – du temps de l’aliénisme – le délire sous toutes ses formes était essentiellement décrit. L’attention était davantage portée sur ses modes d’expressions, ses diverses formes, ses thèmes, ses contenus. Un certain nombre d’auteurs se sont pourtant essayés à définir le délire plutôt qu’à le décrire ; d’autres ont dit en quoi il était difficile voire impossible de le définir. Du délire comme erreur au délire comme « tentative de guérison » (Freud), il y a un pas théorico-clinique immense.

Nous verrons dans cet article comment depuis deux siècles – depuis Esquirol – la définition du délire a évolué dans le champ de la psychiatrie, et comment grâce à Freud surtout, le délire ne peut plus être seulement conçu comme erreur de jugement, raisonnement faux, comme « maladie », mais bien comme effort subjectif, « travail » (Falret) intense de construction, d’organisation, tentative de la part du sujet délirant pour se remparder contre l’insupportable en créant une « nouvelle réalité ».

En effet, les significations nouvelles données au monde par le délirant lui permettent d’avoir une forme de « guide » dans l’existence, et de renouer a minima avec les autres comme avec le monde des objets. C’est aussi depuis Freud et la psychanalyse réintroduire la question du sujet dans le délire et dans les psychoses en général. Avant d’en arriver à la question du sens du délire, et de sa fonction pour le délirant, nous traverserons donc deux siècles de psychiatrie. Ce parcours, ce « compendium » des définitions du délire au cours de l’histoire apparaît comme une étape nécessaire pour quiconque s’interroge sur le délire dans la psychose.

Over the last two centuries, the delicate problem of the definition of delusion in psychosis has risen. For a long time – the duration of insanity – delusion in all its forms was essentially described. In fact, these descriptions concerned forms, mode of expression, themes and contents regarding delusion. Nevertheless, many authors have attempted to provide definitions and others have claimed that it was difficult or even impossible to define delusion. From delusion as an “error” to delusion as an “cure attempt” (Freud), there has been a very long clinical and theoretical highway.

In this paper, we will show how – over the past two centuries since Esquirol – delusion's definition has evolved in psychiatry, and how, notably with Freud, delusion cannot be considered only as an error of judgment, a false argument, an illness, but more like a “subjective effort”, intense “organization” and construction work (Falret) that allow the psychotic subject to protect him/herself against the unbearable.

In this manner, new delirious significations can provide a sort of “guide” in the life of the psychotic person, and permit building new links with reality. It is also with Freud and psychoanalysis a re-introduction of the “subject” in delusion and psychosis in general. So, before arriving to the question of “sense” in delusion, and the “function” delusion could have for the subject, we’ll go through two centuries of psychiatry. This would appear essential for anyone who wants to study delusion in psychosis.