Pour un sujet inséré dans un monde qui se déploie à partir d’une mémoire singulière, la notion de souffrance psychique peut recevoir de multiples acceptions : affect ressenti, altération fondamentale du pouvoir-être (ex., lors d’une pathologie), constriction extrême de l’espace subjectif. Nous esquissons un cadre conceptuel permettant de conférer un sens plus précis à ces acceptions en envisageant un univers subjectif en tant qu’espace de représentation.

Par contraste avec la douleur liée à des tensions actuelles, dont le soulagement peut accroître les tensions potentielles, nous définissons la souffrance fondamentale comme ce qui tend à limiter l’unification de l’espace de représentation par fermeture défensive. Un domaine de l’espace de représentation est intenable lorsque la tension est trop intense pour s’y maintenir et un sujet est confronté à l’Intenable lorsqu’il est enfermé dans un domaine intenable dont il lui est impossible de sortir. En s’appuyant sur une distinction faite par Kierkegaard, il est alors possible d’appréhender l’angoisse en tant que dynamique de présentification d’un malheur objectif – ou peine – alimentant la douleur à travers l’espace subjectif de représentation.

Nous analysons brièvement dans ce cadre conceptuel quelques dimensions de la souffrance qui sous-tendent la nécessité d’une rencontre thérapeutique : blocage, impuissance, vulnérabilité, isolement et fascination.

La fécondité de ce cadre conceptuel est confirmée par l’abord de deux types de situations où la souffrance se développe jusqu’à l’Intenable en raison de conditions extérieures mettant en jeu la souffrance d’Autrui – l’Insupportable – ou un malheur objectif – l’Intolérable.

Le cadre conceptuel esquissé, en précisant la notion intuitive d’univers subjectif, permet d’approfondir le sens singulier de la souffrance psychique.

For a subject inserted into a world that is displayed from a singular memory, the concept of mental suffering can take on many meanings: inner affect, fundamental impairment of the being's potentialities (e.g., through an illness), extreme constriction of the subjective space. In order to clarify these meanings we outline a conceptual framework where a subjective universe is described as a representational space.

In contrast to the pain that is associated with the actual tension – the relief of which can increase the potential tension – we define the fundamental suffering as a defensive closure that tends to limit the unification of the representational space. An area of the representational space is untenable when the tension is too strong to remain within this area, and a subject is confronted with the Untenable when she/he is locked in an untenable area from which she/he is unable to escape. Supported by Kierkegaard's distinction, anxiety can be considered as the dynamic of presentification of an objective misfortune that supplies the pain through the representational space.

Within this conceptual framework, we briefly analyze some dimensions that underlie the necessity of a therapeutic encounter: blockage, helplessness, vulnerability, isolation, fascination.

The richness of this conceptual framework is confirmed by tackling two situations where the suffering increases until reaching the Untenable because of some external conditions involving the suffering of another subject – the Unsupportable – or an objective misfortune – the Unbearable.

This conceptual framework is able to deepen the singular meaning of suffering by specifying the intuitive concept of a subjective universe.