Les données récentes indiquent que plus d’un adulte sur trois dans le monde, soit 1,46 milliard de personnes, est obèse ou en surcharge pondérale. Cette obésité va avoir des conséquences délétaires sur la santé des individus et en particulier sur l’allaitement des femmes ainsi que sur la composition de leur lait. À plus long terme, une alimentation maternelle inappropriée peut influer sur le développement du fœtus et la santé de l’enfant, puis de l’adulte. Dans des modèles animaux, il a été montré que l’engraissement excessif, en particulier pendant la puberté, peut induire des perturbations du développement de la glande mammaire résultant à une baisse des capacités laitières. L’objectif de notre étude est de déterminer des fenêtres critiques de sensibilité à l’alimentation en ciblant la période néonatale via le lait, pouvant impacter la croissance et le développement mammaire.

Dans ces études, nous avons utilisé des lapines nourries avec un régime obésogène (OB) enrichi en sucres (+300 %) et en graisses (+300 %). Dans une première cohorte, le régime a été commencé dès la puberté. Les conséquences d’une adiposité élevée sur la lactation ont été étudiées sur une nouvelle cohorte de lapines suivant le même protocole expérimental. Afin de tester l’effet du lait sur la descendance, nous avons allaité les lapereaux dès leur naissance avec un lait issu de mères ayant été alimentées soit avec un régime OB, soit avec un régime témoin. À la puberté, ces lapereaux ont eux-mêmes été soumis soit à un régime OB, soit au régime témoin. La croissance et l’adiposité de ces lapereaux ont été suivies. Les glandes mammaires de ces animaux ont été analysées sur le plan morphologique et fonctionnel.

Trois mois après le début du régime, le poids des lapines ayant reçu le régime OB était significativement plus élevé. Cet écart résultait d’une difference dans l’adiposité entre les deux groupes d’animaux. Les glandes mammaires des lapines OB présentaient un développement modifié tant sur le plan morphologique que sur le plan fonctionnel : les canaux mammaires étaient remplis avec des produits denses. La proportion d’épithélium sécrétoire était plus importante dans le tissu mammaire de ces animaux et l’analyse histologique de l’ épithélium mammaire a révélé une abondante accumulation de protéines du lait et de lipides, rappelant un phénotype de fin de gestation. De plus, la composition du lait issu de ces lapines était altérée. Lorsque ce lait a été administré à des lapereaux, ceux-ci ont présenté une prédisposition à l’obésité caractérisée par une adiposité plus élevée. Lorsqu’il a été combiné à un régime obésogène, il a induit un développement mammaire anormal dès les stades précoces de la gestation : désorganisation des structures alvéolaires, présence de canaux hyper-dilatés contenant des protéines du lait et des globules gras, alteration de la polarité des cellules épithéliales.

Nos résultats démontrent qu’une alimentation enrichie en graisses et en sucres, commencée dès la puberté tend à favoriser un développement précoce et donc anormal de la glande mammaire. Ce type d’alimentation altère également la qualité du lait lors de la lactation. Le fait de consommer ce lait à la composition altérée aurait ainsi comme conséquence d’induire une prédisposition à une hyperadiposité et de potentialiser les effets néfastes d’un régime obésogène au niveau du développement mammaire chez la descendance.