Les effets délétères des régimes hyperlipidiques (HL) sur le métabolisme sont bien connus mais leur consommation s’accompagne souvent d’une augmentation de l’adiposité, empêchant de conclure sur l’effet propre du régime sur le métabolisme. Pourtant, ils sont consommés dans les sociétés occidentales par des individus qui, régulant mieux leurs apports caloriques, ne développent pas de surpoids. L’objectif de cette étude était de caractériser l’effet d’un régime HL sur le métabolisme en l’absence d’augmentation d’adiposité, en utilisant le porc conventionnel, modèle animal connu pour réguler sa consommation énergétique journalière et synthétiser en priorité du muscle.

Douze truies Large White x Piétrain (190j d’âge) ont reçu ad libitum pendant 10 sem un régime contrôle (4 % de lipides, CTRL, n =6) ou hyperlipidique (12 % de lipides, HL, n =6). Le métabolisme glucidique (IVGTT), le profil lipidique, l’anatomie du pancréas endocrine (IHC), la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline (qPCR) et le fonctionnement de l’axe entéro-insulaire (GLP-1) ont été caractérisés. L’activité fermentaire du microbiote fécal (3 et 8 sem de régime) et caecal (10 sem de régime) a été déterminée. La perméabilité intestinale (iléon, caecum, côlon) à différentes molécules (LPS-FITC) a été mesurée ex vivo. Des explants iléaux ont été cultivés en présence de LPS et la sécrétion de cytokines mesurée. Le poids vif, la consommation et l’épaisseur de gras dorsal (ultrasons) ont été suivis tout au long de l’expérience.

Comme attendu, les truies HL n’ont pas développé d’hyperphagie ni de masse grasse tandis que leur masse musculaire a eu tendance à augmenter comparé aux truies CTRL. Une dyslipidémie légère (hypertriglycéridémie à jeun, P =0,08) a été observée chez les animaux HL. L’IVGTT a mis en évidence une dérégulation du métabolisme glucidique chez les truies HL, qui ont sécrété plus d’insuline plus précocement que les truies CTRL (indice insulinogénique, ISI =16,2±2,5 et 12,5±1,6 respectivement, P =0,08). Le régime HL n’a pas modifié l’anatomie du pancréas endocrine mais a entraîné une sensibilité à l’insuline moindre des tissus adipeux (TA) sous-cutané (diminution du récepteur à l’insuline, P =0,06) et viscéral (diminution de SREBP1C, P =0,03). Les concentrations en AGV étaient inférieures dans les fèces des truies après 8 sem de régime HL (P =0,02) et les concentrations d’AGV et de GLP-1 tendaient à être inférieures (P<0,10) dans leur caecum après 10 sem. La perméabilité intestinale n’était pas modifiée par le régime HL. La sécrétion de cytokines proinflammatoires (IFNγ et TNFα) en réponse au LPS par les explants iléaux tendait à augmenter chez les truies HL.

En conclusion, 10 sem de régime HL n’ont pas entraîné d’obésité chez le porc conventionnel adulte mais ont suffi à initier des dérèglements du métabolisme glucidique, caractérisés par une dyslipidémie, la mise en place d’une résistance à l’insuline des TA, une diminution de l’activité fermentaire du microbiote et un profil pro-inflammatoire intestinal. Le porc conventionnel est donc un modèle pertinent pour comprendre les mécanismes précoces de mise en place des désordres métaboliques dans un environnement nutritionnel délétère.