Le contrôle de la prise alimentaire implique des voies cérébrales régulées par des hormones de faim (ghréline), de satiété (CCK, PYY) et de stockage énergétique (leptine). De nombreuses études associent le phénotype métabolique de l’hôte, tel que l’obésité, à la composition du microbiote intestinal (e.g. ratio bacteroidetes/firmicutes). Pourtant, malgré ces données récentes, la compréhension des mécanismes d’action des bactéries sur le contrôle de la prise alimentaire de l’hôte reste méconnue. Le but de cette étude a été de tester si des protéines bactériennes peuvent influencer le contrôle de la prise alimentaire de l’hôte et si cette influence dépend de l’état nutritionnel des bactéries.

La bactérie commensale E. coli K12 a reçu un milieu riche en nutriments toutes les 12h pendant 5 jours afin de mimer 2 repas/jour chez l’homme. Les protéines bactériennes ont été extraites en deux temps : lors de la phase exponentielle (Exp) et lors de la phase stationnaire (Stat) de croissance. Par la suite, ces fractions protéiques ont été comparées par électropho-rèses bidimensionnelles et spectrométrie de masse. Puis, les effets de l’administration intrapéritonéale de ces protéines bactériennes à la dose de 0,1mg/Kg, ont été étudiés sur la prise alimentaire de rats Wistar. Des analyses immunohistochimiques, sur les coupes de cerveaux de rat ont été réalisées 2h après l’injection de protéines bacteriennes pour détecter l’expression de c-fos (marqueur d’activité neuronale) dans les neurones anorexigènes à proopiomélanocortine (POMC) du noyau arqué de l’hypothalamus et dans les neurones à calcitonin gene-related peptide (CGRP) du noyau central de l’amygdale.

Dès la 5^e administration de nutriments, la bactérie E. coli K1 2 alterne de manière régulière des phases Exp de croissance (20min) et des phases Stat après chaque nouvel apport de nutriments. Les analyses protéomiques révèlent la présence de protéines différentiellement exprimées entre les deux phases Exp et Stat. Seule l’injection intrapéritonéale de protéines bactériennes en phase Stat réduit la prise alimentaire (2,0±0,2g vs 1,2±0,3g, P<0,05, test t de student) des rats et augmente l’expression du c-fos dans les neurones POMC (45,3±3,8 cellules vs 58,4±1,4 cellules, P<0,05, post-test de Tukey, ANOVA) et CGRP (54 ±7 % vs 92±4%, P< 0,05, post-test de Tukey, ANOVA).

Nos données montrent que les protéines issues des bactéries intestinales peuvent influencer directement le contrôle central de la prise alimentaire, selon leur phase de croissance; elles-mêmes alternées par l’apport de nutriments. Dans cette étude, l’effet satiétogène provoqué par les protéines bactériennes extraites en phase Stat de croissance, suggère une implication du microbiote dans l’induction de la satiété de l’hôte après un repas.