L’expérience nutritionnelle précoce joue un rôle déterminant dans l’émergence de l’obésité et des maladies métaboliques, mais peut aussi être à l’origine d’altérations cérébrales induisant des troubles comportementaux en relation avec les préférences alimentaires ou les capacités cognitives. L’objectif de cette étude était de comparer deux cohortes de porcelets Yucatan issus de mères nourries durant la gestation et la lactation avec un aliment équilibré (STD) ou un aliment enrichi en lipides et sucre (HFS).

Juste après le sevrage et en dehors des tests comportementaux, tous les porcelets (N=51) ont été nourris avec un aliment STD. Ils ont été soumis à trois types de tests comportementaux : i) un test de double choix alimentaire durant lequel les porcelets pouvaient consommer simultanément de l’aliment 2^ème âge standard ou de l’aliment 2^ème âge gras et sucré (HFS) ; ii) un test de conditionnement opérant avec ratio (appui/récompense) progressif durant lequel les porcelets devaient appuyer sur un bouton pour obtenir une récompense alimentaire (aliment standard ou gras/ sucré) ; iii) un test cognitif basé sur l’apprentissage et la mémorisation spatiale, réalisé durant 3 semaines consécutives, deux fois par jour, dans une aire de test pourvue de 16 auges surélevées réparties en damier et parmi lesquelles seulement 4 étaient récompensées avec une friandise riche en sucre et en gras (M&M's^®) ; pour un porcelet donné, la position des 4 récompenses restait la même durant les 2 premières semaines avant d’être modifiée la 3^e semaine.

Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes en termes de préférence et de motivation lors des tests de choix et de conditionnement opérant, respectivement. Cependant, tous les animaux ont exprimé une forte préférence pour l’aliment STD lors des tests de choix (P<0,0001). Une plus forte motivation pour l’aliment HFS a été observée en début de test de ratio progressif, mais le nombre total de récompenses obtenues a été plus élevé pour l’aliment STD (P=0,0054). Cette différence disparaît lorsque les données sont analysées sur la base de l’énergie ingérée. Concernant le test d’apprentissage spatial, les porcelets du groupe HFS ont démontré des capacités cognitives supérieures à celles du groupe STD (mémoire de travail : P=0,0146 ; mémoire de référence : P=0,0006).

La nette préférence pour l’aliment STD exprimée lors des tests de choix s’explique aisément par le fait que tous les porcelets étaient nourris avec l’aliment STD dès le sevrage, et que l’aliment sucré/gras, dont les propriétés organoleptiques sont très différentes de celles de l’aliment STD, était un aliment nouveau qui a probablement induit une néophobie. Il est intéressant de constater que lors du test de ratio progressif, les porcelets ont fait preuve d’une forte motivation pour l’aliment HFS mais que la densité calorique plus faible de l’aliment STD a permis aux animaux de cumuler un plus grand nombre de récompenses puisque le rassasiement s’est installé plus lentement qu’avec l’aliment HFS. Le résultat le plus surprenant de cette étude concerne le test cognitif qui suggère des capacités d’apprentissage et de mémoire supérieures chez les porcelets exposés précocement au sucre et au gras. Nous supportons cependant l’hypothèse selon laquelle cette exposition précoce a accru la palatabilité du sucre/gras chez les porcelets HFS ainsi que leur motivation à réaliser une tâche cognitive pour obtenir ce type d’aliment.