Les aphasies primaires progressives (APP) constituent un groupe de maladies dégénératives qui affectent les réseaux neuronaux du langage. Elles représentent des défis majeurs à la fois pour la neurologie et les neurosciences cognitives : (i) améliorer la précision diagnostique et ouvrir une voie vers des solutions thérapeutiques, (ii) utiliser les APP comme modèle lésionnel pour affiner la compréhension du fonctionnement linguistique et de l’anatomie du langage.

Je discuterai des apports des nouveaux critères diagnostiques (Gorno-Tempini et al., 2011) et de leur difficulté à capturer l’ensemble de phénotypes langagiers. Cette difficulté est illustrée par la variante logopénique contenant des sous-formes variées et dérivant de lésions neuropathologiques multiples. L’ambition d’une classification précise des différents phénotypes langagiers incite ainsi à utiliser des marqueurs issus de modèles linguistiques. Cette démarche sera exemplifiée par l’application des modèles dichotomiques « règles/lexique » aux APP. Dans un second temps, je montrerai comment les APP peuvent contribuer, à leur tour, à clarifier les modèles linguistiques dont certaines composantes sont toujours vivement débattues. De même, les APP permettent d’enrichir les modèles anatomiques du langage par la mise en évidence de structures langagières prédites par la linguistique mais dont la localisation est restée controversée. Je discuterai plus spécifiquement de la localisation d’une plateforme anatomique sous-tendant la mise en lien des informations lexicales et sémantiques au sein du réseau temporal externe, impliquant la variante logopénique et sémantique. Dans un esprit pragmatique j’ouvrirai finalement une voie vers une potentielle stratégie thérapeutique en présentant les résultats prometteurs de l’étude STIM-LANG de stimulation transcrânienne (tDCS) ciblant les pôles temporaux dans la variante la plus fréquente : l’APP sémantique.