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Une hypoglycémie inexpliquée - 07/05/15

Doi : 10.1016/j.toxac.2015.03.011 
A. Gutbub 1, , P. Rerat 1, C. Tournoud 2, P. Kintz 3
1 Service de réanimation médicale, hospices civils de Colmar, France 
2 Centre antipoison et de toxicovigilance, hôpitaux universitaires, Strasbourg, France 
3 Laboratoire d’analyses toxicologiques, Institut de médecine légale, Strasbourg, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Objectif

La survenue d’une hypoglycémie profonde chez un patient doit faire rechercher, entre autre, une étiologie toxique. Un certain nombre de médicaments, insuline, hypoglycémiants oraux, antibiotiques, antalgiques peuvent être responsables de cette perturbation métabolique. Nous relatons une observation d’intoxication médicamenteuse volontaire admise en hypoglycémie d’étiologie mal caractérisée.

Observation

Un patient de 56ans, aux antécédents de paraplégie post-traumatique et d’intoxication médicamenteuse volontaire, est pris en charge par le Samu, qui constate un coma Glasgow 3 et une hypoxie (SpO2 78 %). Deux boîtes vides d’Imovane® sont retrouvées à côté de lui. Après intubation, le patient est admis au service de réanimation. La glycémie au dextromètre révèle une hypoglycémie à 0,25g/L, confirmée par le laboratoire (1,4mmol/L). Le traitement consiste en l’administration de 50mL de glucosé 30 % et du glucosé 10 % (8g/h pendant 19h). Un remplissage vasculaire est nécessaire (1,5L) en raison d’une hypotension (88/50mmHg). La paracétamolémie initiale était de 17,7mg/L. L’heure d’ingestion n’étant pas connue, un traitement par N-acétylcystéine est débuté. L’évolution est favorable sans complication. Devant la divergence observée entre les effets attendus par rapport aux toxiques ingérés et l’existence d’une hypoglycémie, une autre cause toxique est évoquée. Le patient n’est pas diabétique, et il n’y a pas de personnes diabétiques dans son entourage. Les dosages d’insuline et de C-peptide sont normaux. Les dosages de metformine, de gliclazide, de glipizide, de glimépride et de glibenclamide par LC-MS/MS reviennent négatifs (screening toxicologique et dosage de zopiclone non réalisés à l’admission). En reprenant le traitement médicamenteux à domicile, on retrouve la notion de prise chronique de tramadol. Le dosage du tramadol par LC-MS/MS après extraction liquide-liquide met en évidence une concentration de 9,382μg/mL (zone thérapeutique 0,1 à 0,3μg/mL), et vient confirmer notre hypothèse.

Discussion

De plus en plus de publications font état d’hypoglycémies induites par le tramadol à doses thérapeutiques [1]. La survenue d’une hypoglycémie lors d’intoxications aiguës est plus rarement signalée, souvent associée à l’ingestion de quantités importantes [2]. Deux mécanismes d’action sont évoqués. Le tramadol a une action inhibitrice de la recapture de la sérotonine qui provoque la libération de β-endorphine en se fixant sur les récepteurs 5-HT7 et stimule ainsi l’utilisation du glucose au niveau du muscle. Mais c’est l’action du tramadol sur les récepteurs opiacés de type μ qui semble prépondérante, comme pour le dextropropoxyphène, retiré du marché en 2010. La concentration de tramadol retrouvée (9,382μg/mL) est particulièrement élevée : des concentrations létales sont signalées dans la littérature à partir de 2μg/mL. La surveillance glycémique lors de coma d’origine toxique reste de mise.

Conclusion

Devant une hypoglycémie a priori toxique, il ne faut pas seulement évoquer la prise d’insuline ou d’antidiabétiques oraux, mais penser aussi à d’autres médicaments pouvant exercer un effet hypoglycémiant comme le tramadol, antalgique très largement utilisé.

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Vol 27 - N° 2S

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