Trouble anxiété généralisée (névrose d'angoisse)
- Définition- Évolution et complication- Principes de traitement- Benzodiazépines (BZD)- Alternatives thérapeutiques- Traitement psychologique
Anaes 2001
Afssaps 2006
Définition
Le trouble anxiété généralisée (TAG) est caractérisé par la présence d'une anxiété généralisée et persistante qui ne survient pas uniquement ni même de façon préférentielle dans une situation déterminée (anxiété flottante). Le sujet souffrant d'un TAG se fait habituellement des soucis et s'attend à des malheurs divers (attente anxieuse). Cet état s'accompagne de symptômes multiples et variables : irritabilité, tension musculaire, agitation fébrile, incapacité à se détendre, tachycardie, tremblements.
En l’absence de critères diagnostiques plus performants validés, les critères du DSM-IV sont recommandés pour diagnostiquer le TAG en pratique courante : le sujet ayant un TAG présente, pendant une durée de 6 mois au moins, une anxiété sévère/des soucis excessifs, incontrôlables, chroniques avec impression permanente de nervosité, relatifs à des situations réalistes banales, à l’origine d’un état de souffrance qui altère le fonctionnement du patient dans sa vie courante, associés à des symptômes physiques traduisant la tension motrice et l’hypervigilance et des symptômes physiques à l’origine d’une détresse importante. En plus de l’anxiété/soucis chroniques, 3 symptômes au moins sur les 6 des groupes « tension motrice » et « hypervigilance » sont requis pour le diagnostic :
  • 1. tension motrice : fatigue, tension musculaire, agitation ou surexcitation;
  • 2. hypervigilance : difficultés de concentration, troubles du sommeil, irritabilité;
  • 3. troubles associés : mains froides et humides, bouche sèche, sueurs, nausées ou diarrhée, pollakiurie, difficultés à avaler ou sensation de boule dans la gorge, tremblements, contractions, douleurs, endolorissement musculaire, syndrome du côlon irritable, céphalées  .
Évolution et complication
Il est recommandé de rechercher l’association au TAG d’un autre trouble psychiatrique tel que dépression sous toutes ses formes, autres troubles anxieux, abus/dépendance à l’alcool/drogues psychoactives, retrouvés chez 2/3 des patients en population générale et 3/4 des patients en soins primaires, et/ou des traits de personnalité pathologique évitante et/ou dépendante
Avant de diagnostiquer un trouble anxieux généralisé, il est nécessaire d'éliminer la prise de substances ou les affections médicales qui peuvent produire des symptômes anxieux prolongés.
La survenue d'autres troubles anxieux est courante au cours de l'évolution de l'anxiété généralisée. Les complications du TAG sont celles habituellement observées dans les troubles anxieux : dépression secondaire, abus et/ou dépendance aux benzodiazépines. L'alcoolisme peut être considéré comme un facteur déclenchant, aggravant et comme une conséquence de l'anxiété. Chez l’alcoolique, il est indispensable de réévaluer le TAG après obtention de l’abstinence ou d’une tempérance avant d’envisager un traitement complémentaire. Il est recommandé d’éviter les benzodiazépines hors sevrage thérapeutique. Le risque de sensations vertigineuses sous buspirone (BUSPAR) limite son indication chez l’alcoolique. En plus du soutien psychosocial au long cours, l’hydroxyzine (ATARAX) peut être conseillée. Les thérapies cognitivo-comportementales sont recommandées en fonction de leur accessibilité, de leur faisabilité et du choix du patient .
Principes de traitement
L'évolution du TAG est souvent fluctuante et chronique, rythmée par les événements de vie, et TAG requiert le plus souvent une prise en charge prolongée.
• Cette prise en charge ne doit pas se limiter à une chimiothérapie au long cours. Les patients anxieux chroniques doivent bénéficier d'un soutien psychothérapique. Les psychothérapies structurées, en particulier les thérapies cognitivo-comportementales, devraient être privilégiées.
• Des mesures hygiéno-diététiques sont recommandées : arrêt de la consommation d'alcool et de tabac, diminution de la consommation de café, pratique régulière d'une activité physique.
Traitements pharmacologiques
En dépit de leur efficacité démontrée, le TAG n'est plus l'indication privilégiée des benzodiazépines (BZD). La chimiothérapie fait désormais appel en première intention aux antidépresseurs.
Utilisation des antidépresseurs
Les antidépresseurs ayant une AMM dans cette indication sont : paroxétine (DEROXAT), venlafaxine LP (EFFEXOR LP) et escitalopram (SEROPLEX) .
Le délai d’action des antidépresseurs est de 1 à 3 sem. La réponse complète est obtenue après plusieurs semaines de traitement. La durée du traitement doit être d’au moins 6 mois (accord professionnel).
La paroxétine (DEROXAT) est un inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine (ISRS). Son efficacité sur les signes psychiques de l’anxiété est démontrée par rapport au placebo au cours d’essais contrôlés sur une durée allant jusqu’à 8 mois. Ses effets indésirables les plus fréquents sont les nausées, l’asthénie, l’insomnie, la somnolence et les troubles sexuels.
L’escitalopram (SEROPLEX) est un inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine (ISRS). À des doses de 10 et 20 mg/j, il s’est montré efficace dans les 4 études contrôlées versus placebo. Un effet durable est apparu dès la première semaine. Le maintien de l’efficacité à une posologie de 20 mg/j a été démontré dans une étude randomisée de maintien d’efficacité, conduite sur 24 à 76 sem., chez les patients ayant répondu à une phase initiale de traitement en ouvert de 12 sem.
La venlafaxine LP (EFFEXOR LP) est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA). Elle est efficace dans le contrôle des signes psychiques d’anxiété du TAG dans les traitements de 28 sem. Son effet anxiolytique est moins net dans les traitements de 8 sem. Son effet anxiolytique débute entre la 1re et la 3e semaine de traitement. Ses effets indésirables les plus fréquents sont les étourdissements en début de traitement, les nausées plus étalées dans le temps, la sécheresse de la bouche, l'asthénie, l'insomnie, la somnolence et les troubles sexuels.
Ex 1 : EFFEXOR LP 37,5 et 75 mg (cp.) : 37,5 mg le premier jour puis 75 mg/j en une seule prise. La posologie peut être augmentée après 2 sem. de traitement par paliers de 37,5 mg par semaine jusqu’à 150 voire 225 mg/j.
Ex 2 : DEROXAT 20 mg (cp.) : 1 cp./j. Cette posologie pourra être augmentée par paliers de 10 mg/j, en fonction de la réponse thérapeutique jusqu’à 50 mg/j.
Ex. 3 : SEROPLEX 10 mg (cp.) : ½ cp./j au cours de la première semaine de traitement, avant une augmentation à 10 mg/j. En fonction de la réponse thérapeutique du patient, la posologie pourra être augmentée jusqu’à un maximum de 20 mg/j. L’efficacité maximale est atteinte après environ 3 mois de traitement. Le traitement devra être poursuivi plusieurs mois.
L’imipramine (TOFRANIL) administrée pendant 8 sem. est également efficace sur les signes psychiques de l’anxiété du TAG. Elle ne possède pas d’AMM dans cette indication.
Quelle que soit la molécule prescrite, la durée de traitement du TAG est de 6 mois au moins. Une réévaluation est recommandée 1 à 2 sem. après la 1re consultation, puis toutes les 6 sem.
Utilisation des benzodiazépines
Le choix d'une benzodiazépine est affaire de cas particuliers et d'habitudes de prescription. Aucune molécule n'apparaît supérieure aux autres. L'activité anxiolytique dépend pour une large part de la dose utilisée.
Benzodiazépines (BZD)
Les doses recommandées sont très variables d'un individu à l'autre. On propose des doses allant de 5 à 60 mg de diazépam (VALIUM). Le choix du produit peut s'appuyer sur des paramètres pharmacocinétiques. On oppose les molécules à demi-vie longue et à métabolite actif (diazépam, chlordiazépoxyde, clorazépate dipotassique, etc.) aux produits à demi-vie courte (oxazépam, lorazépam, etc.) préférés chez le sujet âgé. Les produits à demi-vie longue exposeraient moins au développement d'accidents de sevrage lors de l'arrêt des traitements.
Exemple de schéma thérapeutique : benzodiazépine, diazépam (VALIUM 5 mg) : 1 cp. matin et soir. Après une semaine, maintenir ou augmenter de 1 à 2 cp. selon la tolérance et l'efficacité.
Surveillance du traitement
 En début de traitement
• On surveillera principalement la tolérance et l'efficacité.
Un effet sédatif s'observe lors des premières prises et s'atténue en 3-4 j. Au-delà de ce délai, la somnolence indique un surdosage et implique une révision des posologies.
• On recherche également les effets indésirables classiques des benzodiazépines : amnésie antérograde, désinhibition paradoxale avec irritabilité et impulsivité.
• Dans le TAG, le délai d'action des benzodiazépines est habituellement de 2 à 5 j. La réponse thérapeutique après une semaine serait le meilleur prédicteur de l'efficacité des benzodiazépines dans le trouble anxiété généralisée. Un patient non amélioré après quelques semaines de traitement incite à une révision du diagnostic, ou à un changement de molécule ou de classe médicamenteuse.
 Après plusieurs semaines de traitement
• On élimine principalement l'existence d'une surconsommation par autoprescription qui fait craindre le développement d'une tolérance et d'une dépendance. Enfin au moment de la diminution progressive des doses, par paliers d'une semaine, et de l'arrêt des traitements, on dépistera la survenue de symptômes anxieux qui peuvent traduire des phénomènes de rebond ou de sevrage.
• Le syndrome de sevrage survient en moyenne après 1 sem. pour les BZD à demi-vie courte ou après 3 sem. pour les BZD à demi-vie longue.
Règles d'utilisation
Le risque de dépendance des BZD impose des règles de prescription de ces produits et une limitation de leur emploi. Le renouvellement de la délivrance d’un hypnotique et/ou anxiolytique n’est possible qu’à l’intérieur de la durée de prescription limitée à 2, 4 ou 12 sem. selon le cas et seulement si le prescripteur a précisé le nombre de renouvellements ou la durée de traitement. Il ne peut avoir lieu qu’après un délai déterminé résultant de la posologie et des quantités précédemment délivrées (arrêté du 7 octobre 1991). Lorsqu’un médicament contient un ou plusieurs hypnotiques et anxiolytiques et qu’il comporte l’indication « insomnie » sur son AMM, il est soumis à la réglementation la plus stricte (art. R.5132-21 du CSP). Ne peuvent être prescrits pour une durée supérieure à 12 sem. : alprazolam, bromazépam, clobazam, clotiazépam, diazépam, éthyl loflazépate, lorazépam, nordazépam, oxazépam, prazépam. Ne peuvent être prescrits pour une durée supérieure à 4 sem. : clorazépate dipotassique, estazolam, loprazolam, lormétazépam, nitrazépam, témazépam, zopiclone, zolpidem.
Cette limitation de la durée de prescription est le plus souvent compatible avec la prise en charge des patients avec un trouble anxieux généralisé. Ainsi les BZD sont souvent indiquées pour des cures de courte durée, en particulier au début d'un traitement par antidépresseur ou en situation de « crise » (recrudescence anxieuse aiguë).
Seulement 10 à 30 % des patients justifieraient d'un traitement prolongé par les BZD. On utilisera alors les posologies minimales efficaces, en réévaluant régulièrement la nécessité de maintenir le traitement et en évitant les renouvellements systématiques d'ordonnance.
Alternatives thérapeutiques
En cas d'inefficacité des antidépresseurs, de mauvaise tolérance aux benzodiazépines, ou d'un risque élevé d'abus ou de dépendance, on pourra faire appel aux anxiolytiques non benzodiazépines.
• La buspirone (BUSPAR), agoniste 5HT1A, est efficace dans le trouble anxiété généralisée. Les doses recommandées sont de l'ordre de 15 à 30 mg/j. Son effet anxiolytique concerne surtout les signes psychiques d’anxiété. Les patients rapportent l’inconstance de cet effet. Le délai d’action de la buspirone peut atteindre 3 sem. Ses effets indésirables sont les sensations vertigineuses mais un effet sédatif inférieur à celui des benzodiazépines. L’arrêt de la buspirone n’entraîne pas de syndrome de sevrage ou de dépendance. Ex. : buspirone (BUSPAR 10 mg) : 1 à 3 cp./j. Ce produit induit une anxiolyse progressive et n'entraîne pas de pharmacodépendance. La buspirone n'est pas un traitement du syndrome de sevrage des BZD.
• Les autres tranquillisants ont plus rarement leur place dans le traitement de l'anxiété chronique : méprobamate (ÉQUANIL), hydroxyzine (ATARAX).
• Les bêta-bloquants sont parfois prescrits lorsque les signes somatiques de l'anxiété sont au-devant de la scène clinique.
Traitement psychologique
Il fait appel à diverses techniques :
  • psychothérapie de soutien toujours indiquée : écoute, réassurance, éducation ;
  • psychothérapies cognitives et comportementales et techniques de relaxation.
Les psychothérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont aussi efficaces que les traitements médicamenteux dont elles représentent une alternative, souvent utilisées en association avec les traitements médicamenteux. Les TCC visent à clarifier les circonstances de survenue des troubles, identifier les pensées irrationnelles afin de les évaluer et de les modifier par la réorganisation des attitudes inadaptées. Elles associent la relaxation musculaire appliquée, des expositions répétées à des situations évitées et une restructuration cognitive des interprétations catastrophiques sur les soucis surévalués. Tout en étant soutenu par le thérapeute, le patient est responsabilisé et actif. Les TCC produisent un effet thérapeutique significatif avec maintien du gain thérapeutique 6 mois après la thérapie. Cet effet est plus fréquent en thérapie individuelle versus en thérapie de groupe. Compte tenu de la difficulté d’accès des TCC, un livret du type Stresspac ou une cassette audio contenant le programme de TCC peuvent être proposés comme alternative. Sous TCC, une réduction significative de la consommation de psychotropes est observée.
La psychothérapie analytique a pour but d’aider les patients à identifier les conflits inconscients sous-jacents aux conduites générant l’anxiété et à préciser les traumatismes précoces des premières expériences interpersonnelles. En dépit de la quasi-absence d’études randomisées comparatives de la psychothérapie analytique dans le TAG, l’expérience clinique suggère que certains patients ayant une anxiété handicapante peuvent être significativement améliorés par la psychothérapie analytique en particulier lorsqu’il existe des troubles de la personnalité  .
Anxiolytiques
  • Il n'y a pas lieu de prescrire deux anxiolytiques.
  • Il n'y a pas lieu de prescrire les anxiolytiques sans tenir compte des durées de prescription maximale réglementaires : 12 sem. pour l'ensemble des molécules anxiolytiques.
  • Il n'y a pas lieu d'initier une prescription d'anxiolytiques sans respecter les posologies recommandées et sans débuter par la posologie la plus faible.
  • Il n'y a pas lieu de reconduire systématiquement, sans réévaluation, une prescription d'anxiolytique.