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Préface
Ce livre sur les myopies, qui synthétise les connaissances actuelles sur l'épidémiologie, la pathogénie, les facteurs génétiques et environnementaux, les complications et leur traitement, est particulièrement bienvenu à une époque où la proportion de myopes ne cesse d'augmenter.
La myopie est en général divisée en France en « myopie faible » et « myopie forte », mais les termes de « myopie simple » et « myopie pathologique » semblent mieux décrire deux affections très différentes. La myopie simple est une simple variante de l'erreur réfractive et les patients peuvent obtenir une vision normale avec une correction optique appropriée (lunettes, lentilles de contact) ou la chirurgie. À l'inverse, la myopie pathologique expose avec le temps à une baisse d'acuité visuelle de causes diverses malgré la correction optique. Le seuil de –6 dioptries qui différencie ces deux formes est loin d'être suffisant et d'autres facteurs doivent être pris en compte comme la longueur axiale, l'existence d'un staphylome et les lésions de choroïdose myopique.
Les mécanismes précis par lesquels la myopie se développe restent mal connus, malgré l'augmentation des publications scientifiques et cliniques sur ce sujet, particulièrement en Asie où la prévalence de la myopie forte varie de 5 à plus de 15 % de la population, alors qu'elle n'est que de l'ordre de 2 % en Europe. Mais la tendance à l'augmentation de la prévalence de la myopie est mondiale. La myopie, et spécialement la myopie pathologique, atteint presque toutes les composantes de l'œil – la cornée, la sclère, le cristallin, le vitré la rétine, la choroïde et le nerf optique –, rendant parfois difficile de détecter laquelle de ces anomalies est la cause de la baisse visuelle. C'est par exemple le cas lorsqu'il s'agit de déterminer le rôle éventuel de la pression intraoculaire dans la baisse visuelle d'un sujet myope fort, et une approche combinant les avis de plusieurs spécialistes est souvent nécessaire.
Les progrès de l'imagerie aussi bien du segment antérieur que du segment postérieur ont de ce point de vue donné plus de bases objectives à la caractérisation de la ou des causes de baisse visuelle. Un certain nombre d'entre elles sont curables. Les progrès de la correction optique, la chirurgie réfractive corrigent le défaut réfractif ou le rendent plus supportable pour le patient. La cataracte n'est plus le problème qu'elle était autrefois, mais la conservation d'une bonne acuité visuelle de près chez le myope fort reste un défi. La pression intraoculaire est contrôlable par de nombreux principes médicamenteux, le laser et la chirurgie, mais le dépistage du glaucome du myope doit être encore amélioré. Les néovaisseaux choroïdiens sont très efficacement traités par les anti-VEGF et ne sont plus la catastrophe d'autrefois si, du moins, ils sont traités très rapidement après le début des symptômes. La chirurgie maculaire donne aussi des résultats spectaculaires, bien qu'elle soit plus difficile que chez l'emmétrope. C'est particulièrement le cas des fovéoschisis du myope fort où le savoir-faire dans l'ablation du cortex vitréen postérieur a permis d'améliorer le taux de succès de cette chirurgie qui demande une expertise dans l'évaluation de l'indication chirurgicale. Même la chirurgie des trous maculaires du myope fort a un taux de succès qui s'approche de celui des emmétropes. Enfin, le décollement de rétine du myope fort a aussi bénéficié des techniques d'ablation du cortex vitréen lorsqu'il est opéré par voie intraoculaire.
Mais il reste encore de nombreuses limites à nos progrès thérapeutiques. Les yeux très longs restent un défi chirurgical. Aucun traitement n'est disponible pour stopper l'allongement du globe de la myopie pathologique qui induit l'aggravation du staphylome de la choroïdose myopique atrophique, entraîne la distension de la jonction rétinovitréenne, l'étirement de la rétine et des tractions sur le nerf optique. Pour ces yeux, beaucoup reste à faire pour comprendre la myopie, ses conséquences tissulaires et imaginer les traitements qui pourraient lui être opposés. Les pistes de recherche sont nombreuses et dans des directions différentes. Des facteurs génétiques peuvent être invoqués, mais l'augmentation du temps passé à la vision de près dans les sociétés développées est un autre facteur couramment invoqué sans que l'on comprenne le mécanisme qui va aboutir à l'amincissement de la sclère et de la choroïde ainsi qu'à l'allongement du globe, ne sachant même pas s'il s'agit de la cause ou de la conséquence.
Cet ouvrage fait judicieusement appel à des spécialistes de différents horizons pour se pencher sur le cas particulier de la myopie. Les nombreux aspects cliniques de la myopie y sont décrits. Surtout, une conduite thérapeutique raisonnée est proposée pour chacune des complications médicales ou chirurgicales de la myopie, tant au niveau du segment antérieur que du segment postérieur. Cette mise à jour de l'état de l'art se révèle particulièrement utile. On peut espérer que le lecteur y trouvera les clés utiles pour la prise en charge optimale de ses patients.

Alain Gaudric