Les troubles de l’humeur représentent une cause majeure d’invalidité dans le monde, cependant aucun traitement actuel n’est réellement efficace. Malgré une grande diversité de symptômes, les troubles de l’humeur présentent une analogie de mécanismes altérant les synapses neuronales de la sphère émotionnelle. Le développement de stratégies pour protéger de ces synaptopathies est donc un enjeu majeur. À ce titre, les oméga-3 qui sont des acides gras essentiels apportés par l’alimentation, présentent un intérêt fort, car ces constituants membranaires jouent un rôle prépondérant dans la fonction synaptique. Les apports nutritionnels en oméga-3 sont largement déséquilibrés dans nos sociétés modernes, entraînant des apports insuffisants pour la population générale. Les patients atteints de troubles de l’humeur ont des taux sanguins en oméga-3 diminués par rapport aux sujets sains, et une supplémentation en oméga-3 améliore l’efficacité des traitements pharmacologiques classiques. Dans ce projet, nous avons étudié les relations entre le statut en oméga-3, l’état émotionnel de souris soumises à un stress chronique et la fonction synaptique.

Des souris C57/Bl6J mâles adultes ont été soumises pendant 8 semaines à un régime standard ou à un régime isocalorique enrichi en oméga-3 DHA et EPA (17 % des acides gras totaux). Les souris ont ensuite été soumises à un protocole de stress chronique de défaite sociale, afin de modéliser des comportements de type anxieux et dépressif (10jours, 5min d’interaction physique puis 3h d’interaction sensorielle avec un nouvel agresseur chaque jour). Les comportements de ces souris ont ensuite été mesurés avec des tests d’interaction sociale, de labyrinthe en croix surélevée et de boîte claire/obscure. Enfin, nous avons mesuré chez les souris la plasticité synaptique dans le noyau accumbens, une structure clé du contrôle de l’humeur, avec un protocole de « spike-timing dependent plasticity ».

D’un point de vue comportemental, nous retrouvons les résultats obtenus précédemment au laboratoire. Ainsi, seuls les animaux enrichis en oméga-3 sont protégés des effets de la défaite sociale sur les comportements de type anxieux et dépressif. D’un point de vue neuronal, les souris contrôles ont la capacité à développer une plasticité synaptique, tandis que les animaux ayant subit la défaite sociale perdent cette capacité. De manière intéressante, on observe une corrélation inverse significative entre la mesure d’anxiété et la capacité à exprimer de la plasticité synaptique dans le noyau accumbens. Enfin, Les souris enrichies en oméga-3 préservent une capacité intacte à exprimer de la plasticité synaptique, malgré la défaite sociale.

Notre étude démontre pour la première fois que la consommation d’un régime enrichi en oméga-3 protège les souris des comportements de type anxieux et dépressif et que cette protection comportementale est accompagnée d’un maintien des fonctions synaptiques dans le noyau accumbens. Ces résultats ouvrent des pistes pour des stratégies nutritionnelles en oméga-3 dans la prise en charge des troubles de l’humeur.