L'utilisation de produits dépigmentants à visée cosmétique, ou « xessal », par les femmes à peau noire, est connue depuis longtemps. Les produits dépigmentants comportent essentiellement des dermocorticoïdes et de l'hydroquinone. Le but de cette étude était : de préciser la prévalence de l'utilisation des produits dépigmentants, de rapporter les fréquences et les caractéristiques des principales complications cutanées observées, enfin de rechercher une association avec le diabète, l'hypertension artérielle et l'insuffisance rénale.

Il s'agissait d'une enquête transversale portant sur un échantillon (147 femmes) représentatif de la population féminine hospitalisée, âgée de 15 à 60 ans. Les fréquences des manifestations cutanées, du diabète, de l'hypertension artérielle et la créatininémie des 41 malades reconnaissant utiliser des produits dépigmentants ont été comparées à celles trouvées chez les 85 femmes affirmant n'avoir jamais utilisé de produits dépigmentants. Deux malades ayant refusé de participer à l'enquête, et 19 malades ayant pratiqué la dépigmentation, mais l'ayant interrompue depuis au moins 3 mois ont été exclues de l'analyse des complications.

La prévalence de l'utilisation de produits dépigmentants était de 27,9 p. 100 (41/147). Les complications dermatologiques significativement augmentées étaient celles habituellement rapportées lors d'une utilisation au long cours de dermocorticoïdes, mais également des dyschromies périorbitaires, des lésions à type d'ochronose, des complications infectieuses (dermatophyties étendues, dermohypodermites nécrotiques des membres inférieurs), des lésions eczématiformes, et une hyperpigmentation rebond à l'arrêt des produits dépigmentants. La pratique du xessal pouvait être affirmée devant une hyperpigmentation relative de la face dorsale des phalanges avec une spécificité de 100 p. 100. Le diabète et l'hypertension artérielle apparaissaient avec une fréquence significativement augmentée dans le groupe utilisant des produits dépigmentants (respectivement 46,3 p. 100 vs 8,2 p. 100, et 34,1 p. 100 vs 8,2 p. 100), alors qu'il n'y avait pas de différence pour l'insuffisance rénale. La durée d'utilisation, selon qu'elle était inférieure ou supérieure à 10 ans, augmentait le risque indépendamment de l'âge, avec un risque relatif passant de 3,63 (1,26 - 10,47) à 6,48 (3,41 - 12,32) pour le diabète, et de 1,34 (0,45 - 3,96) à 2,65 (1,27 - 5,51) pour l'hypertension artérielle, traduisant un possible effet dose.

La prévalence constatée dans cette première série hospitalière publiée confirme la fréquence du phénomène au Sénégal. Si les manifestations cutanées rencontrées sont analogues à celles décrites dans la littérature, hormis quelques spécificités liées à une enquête en milieu hospitalier, c'est la première fois que sont rapportées des relations, avec effet-dose, entre la pratique de la dépigmentation et le diabète et l'hypertension artérielle, probablement par le biais des dermocorticoïdes.

Use of depigmenting agents by black women for cosmetic purposes is a long-standing practice. Most depigmenting agents contain topical steroids and hydroquinone. The purpose of this study was to clarify prevalence data on use of depigmenting agents in a female population in Senegal and to report the incidence and main features of adverse skin reactions in addition to possible associations with diabetes, hypertension and renal insufficiency.

A cross-sectional study was made in a representative sample of 147 hospitalized women aged from 15 to 60 years. The incidence of adverse skin reactions, diabetes, hypertension and serum creatinine in 41 women admitting use of depigmenting agents was compared to those found in 85 women who maintained they had never used depigmenting agents. Two patients who refused to participate in the study and 19 others who did use depigmenting products and had stopped their use for at least 3 months were excluded from the analysis.

The prevalence of use of depigmenting agents was 27.9% (47/147). Adverse skin reactions were significantly more frequent among these patients. Effects observed were similar to those reported for prolonged use of topical steroids but also included periorbitary dyschromia, exogenous ochronosis, infectious dermatosis, and, in particular, extended dermatophytosis and necrotizing cellulitis, contact eczema, and certain hyperpigmentation when depigmenting agents were discontinued. Presence of relative hyperpigmentation of the dorsal phalanges identified use of depigmenting agents with a 100% specificity. Prevalence of diabetes and hypertension was significantly higher among the group of women using depigmenting agents (46.3% and 8.2%, versus 34.1% and 8.2% respectively). There was no difference for renal insufficiency. The risk increased independently of age depending on whether duration of use was less than 10 years or not with a relative risk that rose from 3.63 (1.2-10.47) to 6.47 (3.41-12.32) for diabetes and from 1.34 (0.45-3.96) to 2.65 (1.27-5.51) for hypertension, clearly suggesting a possible dose effect.

The prevalence of use of depigmenting agents in this first published hospital series confirms the widespread nature of this phenomenon in Senegal. While certain patent skin signs are similar to those described in the literature, and excluding specific features related to the hospital setting, this is the first report of a dose-effect between use of depigmentation agents and diabetes and hypertension, probably via the effect of topical steroids.