Les acides gras polyinsaturés (AGPI) des séries n-3 et n-6 sont des constituants majeurs des membranes cellulaires, notamment l’acide arachidonique (AA, 20 :4n-6) et l’acide docosahexaénoïque (DHA, 22 :6n-3). L’approvisionnement en DHA de l’organisme nécessite un apport en DHA préformé (poissons gras) ou la conversion de l’acide alpha-linolénique (huiles de colza, soja) en DHA. Cette voie, limitante sur le plan métabolique, est commune avec la voie de conversion des AG n-6. Des etudes cliniques récentes suggèrent que les oestrogènes pourraient réguler le métabolisme des AG n-3 : la concentration plasmatique en DHA est plus importante chez les femmes que chez les homes pour des conditions nutritionnelles identiques, et elle est supérieure chez les femmes prenant une contraception orale. Dans cette étude, nous comparons la capacité de restauration du statut en DHA chez des rats mâles et femelles nés de mères carencées en n-3.

Les rats mâles (n = 24) et femelles (n = 24) carencés en acides gras n-3 depuis l’embryogénèse, sont alimentés dès le sevrage (âge de 3 semaines) avec un régime contenant 6,8 % en poids d’huile de colza, soit 20 mg d’acide alpha-linolénique /100 g de régime comme seule source d’apport en acides gras n-3. Les mâles (n =6) et les femelles (n=6) sont sacrifiés aux âges de 3, 5, et 8 semaines, et le cortex, l’hippocampe, le foie, et le plasma sont prélevés. La composition en acides gras des phospholipides (phosphatidylcholine, phosphatidyléthanolamine, et phosphatidylsérine) est analysée par chromatographie en phase gazeuse. L’expression de la D-Bifunctional protein (DBP), une enzyme clé de la voie de synthèse du DHA est également analysée par western blot.

La supplémentation en huile de colza induit l’augmentation du DHA et du rapport DHA/22 :5n-3 (DHA/DPA, acide docosapentaénoïque) dans tous les tissus analysés. Les teneurs en DHA dans les phospholipides du plasma, du cortex, et du foie sont significativement plus élevées (+10 à + 38%) chez les femelles aux âges de 5 et 8 semaines. À l’âge de 8 semaines, le rapport DHA/ DPA est également de 1,3 à 2 fois plus élevé chez les femelles. L’expression de la protéine DBP dans le foie des animaux âgés de 5 semaines ne présente pas de différence significative entre les mâles et les femelles.

Nous concluons que la capacité de restauration du statut en DHA est plus grande chez les femelles que chez les mâles. Cette différence métabolique est notamment illustrée par la valeur plus élévée du rapport DHA/DPA, qui suggère que la dernière étape de synthèse du DHA (en aval du DPA) est plus active chez les femelles. Nos résultats sont compatibles avec l’hypothèse d’une régulation du métabolisme des AGPI par les oestrogènes. Leur mode d’action pourrait impliquer l’activation de l’expression de gènes du métabolisme lipidique. L’étude en cours vise à quantifier l’expression de 22 gènes par PCR quantitative en temps réel.