La morphine bénéficie d’un fort préjugé d’efficacité du fait de son classement en antalgique de palier III sur des arguments pharmacologiques. En fait, dans les douleurs traitées aux urgences, les essais en double insu ont montré que le paracétamol IV faisait aussi bien que la morphine IV dans les coliques néphrétiques, les lombalgies, et les douleurs aiguës des membres. Pour les douleurs chroniques non cancéreuses, aux posologies jusqu’à 100mg par jour de morphine, les paliers III se sont avérés à peine supérieurs à leurs placebos, non supérieurs au paracétamol, et plutôt moins efficaces que les AINS chez les lombalgiques. Dans l’arthrose, les morphiniques ne sont pas plus efficaces que les AINS, et certains n’ont pas pu démontrer leur supériorité par rapport aux placebos. La seule étude randomisée dans la sciatique n’a pas retrouvé de différence par rapport au placebo. La prise chronique de morphiniques peut induire des douleurs chez certaines personnes. Ce phénomène est surtout à évoquer quand survient une hyperpathie avec hypersensibilité au froid chez un patient réclamant une majoration de ses posologies. Une pétition lancée par des algologues américains suggère de ne pas utiliser plus de 100mg par jour d’équivalent-morphine, et sans dépasser trois mois de traitement, compte tenu des plus de 10 000 décès par overdose de morphiniques observés aux États-Unis annuellement du fait de mésusages et de toxicomanies à ces molécules. La réelle efficacité des paliers III est souvent surévaluée par les soignants, alors que la baisse de la douleur induite n’est que de 0,8 à 1,2 points.