L’anaphylaxie peropératoire est une réaction d’hypersensibilité aiguë dont les principaux responsables sont les curares. Le mécanisme classique implique des IgE spécifiques et la libération d’histamine par les mastocytes et les basophiles. Cependant, des résultats de modèles animaux et d’études cliniques (étude NASA) suggèrent un mécanisme alternatif dépendant d’IgG spécifiques. Les deux mécanismes IgE et IgG ont en commun l’existence de lymphocytes T (LT) mémoires spécifiques qui sont nécessaires pour la commutation isotypique. Leur existence est bien documentée dans l’allergie aux bêtalactamines, mais beaucoup moins dans le cas des curares et il n’existe pas de données sur leur éventuel intérêt diagnostique.

Les PBMC de 26 patients avec une suspicion d’anaphylaxie aux curares inclus prospectivement à partir de 10 départements d’anesthésie franciliens (étude NASA) ont été utilisés. Vingt donneurs sains ont été utilisés comme contrôles. L’antigène à l’origine de la sensibilisation aux curares n’étant pas connu, nous avons construit et caractérisé par MALDI-TOF des bioconjugués albumine-suxaméthonium. Les PBMC ont été cultivés pendant 48h avec ces bioconjugués et un cocktail de stimulants permettant d’activer les cellules présentatrices d’antigène. Après 48h, l’activation des LT a été quantifiée par mesure de l’expression du CD154 (cytométrie en flux) et la production cytokinique (INF-g, IL-5, IL-13) a été mesurée par Fluorospot.

Les LT CD154+ étaient significativement plus nombreux chez les patients par rapport aux témoins (p<0,0001). Une analyse par courbe ROC montrait une aire sous courbe de 0,98 avec une sensibilité à 96 % et une spécificité à 98 % au seuil optimal. Aucun lien n’a été trouvé entre le nombre de LT CD154+ et la sévérité de la réaction ou le curare reçu. De manière intéressante, les LT CD154+ pouvaient être détectés chez 8/9 patients chez qui les tests cutanés étaient négatifs et dont 4/8 avaient fait une réaction sévère.

Notre étude met en évidence l’existence de LT mémoires spécifiques des curares et produisant de l’INF-g et montre qu’ils pourraient constituer un outil intéressant dans le diagnostic de l’anaphylaxie peropératoire.